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LA
QUESTION D'ORIENT

Deux ordres de faits, dissemblables, mais intéressant l’un et l’autre les relations internationales, troublent et menacent le repos de l’Europe : la paix année, l’effondrement de l’empire ottoman. Par les charges, toujours plus croissantes, qu’elle impose à chaque État[1] la paix armée engendrera fatalement la guerre ou l’anarchie ; l’effondrement de l’empire ottoman, catastrophe inéluctable et prochaine pour beaucoup de bons esprits, mettra les grandes puissances aux prises avec des difficultés qu’il ne sera pas aisé de résoudre pacifiquement. Ce grave problème diplomatique intéresse en effet l’équilibre général déjà si instable depuis les récentes perturbations qui en ont si fortement ébranlé les bases. Nul État ne peut donc s’abstenir de veiller, pour sa propre sécurité, à la disparition d’une monarchie, autrefois si puissante, qui, en s’écroulant, laissera un vide qui ne peut être comblé à l’avantage des uns sans un sérieux préjudice pour les autres, quels qu’en soient les bénéficiaires.

Dans de semblables circonstances, il ne saurait être superflu

  1. A l’heure même où nous écrivons ces lignes, l’Allemagne, assure-t-on, se dispose à renouveler, en le perfectionnant, l’armement de son artillerie, jugé, à l’heure actuelle, inférieur à celui de ses voisins. Si cette éventualité se réalise, ces mêmes voisins seront tenus d’aviser de leur côté. Dans cette prévision, ils ont mis à l’étude, ajoute-t-on, un nouveau canon pour lequel il faudra de nouveaux projectiles. C’est tout un matériel immense à reconstituer, une dépense extraordinaire, évaluée à 400 ou 500 millions, qui viendra se superposer aux allocations ordinaires déjà si lourdes en tout pays. Il en adviendra bientôt de même pour l’armement de l’infanterie, puis pour celui de la flotte, avec la certitude que de nouvelles découvertes de la science nécessiteront la reprise de ces mêmes transformations ; travail de Sisyphe auquel la paix armée semble avoir condamné le monde entier. Les journaux de Londres annoncent qu’on presse le gouvernement anglais de prendre ces mêmes dispositions sans plus de retard pour ses arméniens maritimes.