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l’alternative entre le décret de Moharrem, plus satisfaisant pour son-amour-propre, et la déclaration du protocole 18. Il y a, dans la note du comte Nélidof, un membre de phrase qui montre bien que la Russie ne reste pas le moins du monde indifférente à un intérêt qui touche toutes les puissances, mais nous surtout, puisque nos nationaux y sont engagés pour deux milliards et demi : c’est celui où il est dit que, si les engagemens de Moharrem n’étaient pas observés, la Russie se verrait obligée de réclamer, à l’égal des autres puissances, la création de la Commission internationale du protocole 18. Dès ce moment, on peut dire, en usant du mot de notre grand tragique, que, dans le Conseil de la Dette, la Russie est « invisible et présente », de même que les autres puissances. Il semble dès lors que le but que nous nous étions proposé est pleinement atteint, et nous cherchons en vain où est l’échec pour notre politique, où est le dissentiment irréductible entre la Russie et nous.

Avouons toutefois que la Porte ottomane a le droit d’être un peu étonnée d’avoir reçu une note d’un ton aussi comminatoire, sans en avoir certainement mérité la rigueur. Depuis le 1er janvier 1882 jusqu’à présent, elle s’est montrée un très bon débiteur, un excellent payeur. Quels que soient ses embarras financiers, elle n’a pas fait, à notre connaissance, même un geste qui annonçât de sa pari la moindre velléité de remettre la main sur les gages qu’elle a abandonnés à ses créanciers et que le Conseil de la Dette administre. Il est plus probable qu’elle songe à contracter un emprunt nouveau qu’à porter atteinte aux garanties assurées par elle aux anciens : cette seconde opération faciliterait mal la première. Peut-être M. de Nélidof a-t-il pensé qu’en rudoyant publiquement la Porte au profit de ses créanciers, il lui rendrait, par un moyen un peu bizarre mais néanmoins efficace, le service d’augmenter son crédit. Et il semble bien qu’il y ait réussi. Les voies de la diplomatie sont quelquefois détournées et secrètes comme celles des puissances supérieures.

Rien, heureusement, ne fait redouter, de la part de la Porte un coup de tête financier comme (celui de 1875. Mais s’il en était autrement, et si, devant une atteinte portée au Conseil d’administration de la Dette, l’Europe se trouvait obligée d’exiger l’institution à Constantinople de la commission du protocole 18, cette commission se trouverait obligée, à son tour, d’aborder des questions qui ne laisseraient pas de causer à certaines puissances quelques embarras. Un membre distingué de la Chambre des communes, M. Thomas Gibson Bowles, à la suite d’un voyage qu’il vient de faire à Constantinople, a écrit au