Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas manqué de dire, il fallait s’y attendre, qu’après les fêtes de Paris, où l’intimité de la France et de la Russie s’était manifestée d’une manière si évidente et même affichée, les deux gouvernemens n’avaient pas pu faire un premier pas sur le terrain des affaires pratiques sans qu’un désaccord sensible se produisit entre eux. Nous laissons à penser toutes les amplifications dont ce thème a fourni la matière abondante.

Ce que nous avons déjà exposé de toute cette affaire permet à nos lecteurs de conclure. Ils ont lu le texte de la note que M. de Nélidof a remise au sultan ; elle répond de la manière la plus claire à tous les doutes qu’on a voulu élever sur la sincérité et sur l’efficacité de notre entente avec la Russie. On peut, en somme, atteindre le même but par des voies différentes, et la question de procédés n’a partout qu’un intérêt secondaire. Quel était le but que nous poursuivions, sinon de donner à la Dette ottomane une garantie de plus, et une garantie ayant un caractère international ? L’entrée d’un membre russe dans le Conseil d’administration aurait d’autant mieux rempli cet objet que les Russes ont moins d’intérêts privés engagés dans la Dette ottomane. Le caractère du Conseil de la Dette pouvait jusqu’ici, nous avons dit pourquoi, paraître insuffisamment politique. Mais n’y avait-il pas d’autre moyen que celui auquel on s’était arrêté au premier moment d’accentuer en quelque sorte ce caractère, et de montrer, derrière le Conseil de la Dette, institution ottomane que la Porte est censée avoir créée de son plein gré et qu’elle pourrait théoriquement retirer de même, l’Europe unie tout entière pour assurer le respect des engagemens de 1881 ? C’est alors qu’on a songé à la déclaration du protocole 18, à laquelle la Russie, dans la séance tenue par le Congrès de Berlin le 11 juillet 1878, avait adhéré comme les autres grandes puissances, et qui lui donnait le même droit d’intervenir dans les affaires financières de la Turquie, si elles ne continuaient pas d’être gérées conformément à la lettre et à l’esprit du décret de Mauharrem. La Porte a pourvu elle-même à l’administration de sa Dette, et elle l’a fait de manière à satisfaire ses créanciers ; soit ! mais si elle venait à manquer à ses promesses, la déclaration du protocole 18 reprendrait toute sa valeur. Pour parler plus exactement, elle ne l’a jamais perdue. C’est parce que la Porte savait, à ne pas pouvoir s’y méprendre, que l’Europe avait un système pour résoudre les questions financières, dans le cas où elle ne parviendrait pas à les résoudre elle-même, qu’elle s’est décidée à le faire avec une correction à laquelle nous avons rendu hommage. On lui a laissé, on lui laisse toujours