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un certain nombre de confusions jusque dans l’emploi des mots qui peuvent y servir ? Le dossier n’est pas au-dessus de la portée d’un avocat ordinaire, et M. Doumer l’a laissé tout fait au service de son successeur éventuel. Mais on est un peu effrayé en songeant à toutes les questions qui sont restées en arrière, et qui vont se présenter presque à la fois dans le cours de cette année : le renouvellement du privilège de la Banque de France, la réforme des boissons, les dégrèvemens agricoles, qui ont été trop souvent promis pour qu’on ne tente pas de les réaliser, et enfin la question de savoir comment on pourvoira au vide que ces dégrèvemens produiront dans les recettes. Nous souhaitons au ministère actuel l’autorité et l’énergie nécessaires pour réussir dans cette tâche complexe et difficile. Son autorité a certainement grandi depuis quelque temps. D’abord, il a duré ; il a fait preuve de vitalité ; il a démenti les prophéties de ses adversaires, qui avaient annoncé sa mort prochaine, en avaient déjà fait part à leurs amis, et s’étaient montrés tout prêts à l’enterrer, c’est-à-dire à le remplacer. Le plus acharné d’entre eux et aussi le plus impatient, M. Doumer, a abandonné la partie de guerre lasse, en vertu du proverbe que mieux vaut tenir que courir. Quelques réserves qu’il y ait à faire sur les conditions de moralité, ou, pour mieux dire, d’immoralité politique dans lesquelles cette aventure s’est produite, il faut bien y reconnaître un signe des temps, qui sont de moins en moins favorables aux espérances radicales. Par bonheur, le gouvernement a de meilleurs titres à présenter pour inspirer confiance. Les élections sénatoriales ont tourné à l’avantage des opinions moyennes. M. le ministre de l’intérieur a poussé le scrupule jusqu’à remettre après ces élections un mouvement préfectoral qu’il aurait dû faire, non pas à la veille sans doute, mais longtemps auparavant. Les programmes électoraux ont montré que la grande majorité des candidats élus était contraire à l’impôt sur le revenu : c’est une constatation que M. Barodet, qui est passé de la Chambre au Sénat, fera bien de consigner dans une de ces publications dont il s’était assuré le monopole au Palais-Bourbon. Il résulte de tout cela que l’opinion générale du pays est favorable à la politique modérée. C’est une force pour le ministère : il lui reste de savoir en user. On attend avec impatience les projets qu’il a préparés pendant les vacances, et qui ne sont pas encore connus. Jusqu’ici, ses adversaires en sont réduits à lui faire la petite guerre, la plus petite de toutes, c’est-à-dire à raconter qu’il est rongé par des dissentimens intérieurs dont ils ne peuvent d’ailleurs fournir le moindre indice, et sur lesquels les indications sont de plus en plus contradictoires à