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ont fait une guerre acharnée, de tous les jours, de toutes les minutes, et finalement ils l’ont battu. Mais avec qui ? Est-ce avec un des leurs ? Est-ce au profit d’un de leurs candidats ? Ont-ils fait entrer au Sénat, à la place de M. Constans, un représentant de leurs doctrines ? Non, certes. Ils ont reporté leurs voix, au dernier tour de scrutin, sur M. Paul de Rémusat, c’est-à-dire sur l’homme qui portait le nom le plus respecté, le plus aimé de toute la région, mais un nom qui signifiait fidélité traditionnelle à la politique libérale et modérée. Avec un désintéressement qui n’étonne pas de sa part, M. de Rémusat avait retiré sa candidature, mais les radicaux l’ont reprise ; ils ont déchiré les affiches qui annonçaient son désistement ; ils ont voté pour lui, sentant bien qu’ils n’avaient pas d’autre moyen d’empêcher M. Constans d’être élu, et rendant ainsi hommage à une politique et à des principes qui sont tout l’opposé des leurs. Voilà comment ils ont gagné la partie : ont-ils lieu de s’en montrer si fiers ?

La rentrée du Parlement a suivi de près les élections sénatoriales. Que sera la session qui s’ouvre ? C’est la dernière, pleine et complète, que la Chambre actuelle aura à remplir : on sait que les élections générales, retardées de six mois à la fin de la dernière législature, auront lieu au printemps de 1898, environ dans quinze mois. Il faut donc s’attendre à ce que cette session soit agitée. Elle sera vraiment la préface des élections, et tous les partis s’y donneront rendez-vous avec leurs programmes, avec leurs systèmes, quelques-uns avec leurs promesses fallacieuses et décevantes. La grande bataille est aujourd’hui sur le terrain financier. Elle est commencée ; elle se poursuivra avec une vigueur toujours plus grande. Quelles que soient les réformes proposées par le gouvernement, les radicaux socialistes affecteront de jeter sur elles le discrédit en les regardant comme insuffisantes, comme insignifiantes même, et ils emploieront tous leurs efforts à les empêcher d’aboutir. Ils demanderont toujours autre chose, ils demanderont toujours plus, essayant de mettre la majorité dans l’alternative ou d’un nouvel avortement, ou d’une adhésion résignée à leurs propres vues. Ils se contenteront d’ailleurs volontiers, comme par le passé, d’une adhésion de principes.

Leur cheval de bataille restera sans doute l’impôt général sur le revenu. Bien que le principal écuyer soit descendu de sa monture et l’ait abandonnée comme un animal fourbu, un autre essayera de lui demander encore un temps de galop devant la galerie. M. Bourgeois n’a-t-il pas annoncée qu’il était tout prêt à l’équiter à lui seul, bien qu’il n’y ait pas montré jusqu’ici une grande aptitude, et qu’il ait commis