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publics il appartient de tendre les ressorts au lieu de favoriser le relâchement universel. Se fier à la « bonne nature », c’est oublier que le propre des sociétés humaines est de se diriger par des règles qui ne sont plus simplement les lois de la nature, mais bien les lois de la moralité. De même, se fier au jeu spontané’ des libertés, au « laissez faire », c’est oublier que la justice ne s’établit pas toute seule parmi les hommes et ne règne pas sur eux par sa seule autorité. La loi n’est pas une atteinte à la liberté ; elle est la garantie de la liberté même. Au contraire, la licence sous toutes ses formes, — que ce soit celle des rues ou celle des publications immorales, — est une corruption organisée et imposée, une violence déguisée, à laquelle jeunes gens et hommes faits n’ont plus même la faculté de se soustraire.

Que l’éducation du peuple, par l’école d’abord et surtout par la presse, devienne meilleure, et le niveau général se rehaussera ; les variations tantôt heureuses, tantôt malheureuses, dues aux mouvemens en tous sens de la civilisation croissante, se restreindront à des écarts dans des sphères plus élevées, tandis qu’elles s’étendent aujourd’hui jusqu’aux bas-fonds de la’ conscience humaine et font remonter la fange à la surface sous forme de vice et de crime. Il y a là un devoir social à remplir, qui appelle les efforts de chacun de nous. N’oublions pas que nous sommes tous solidaires dans les maux qui affligent la nation ; que nous y avons tous une participation plus ou moins atténuée ; et que, par conséquent, nous devons avoir mal à la poitrine et à la conscience d’autrui comme à la nôtre.


ALFRED FOUILLEE.