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héréditaire ; la plupart des jeunes criminels sont ou des enfans de criminels ou des enfans abandonnés par des parens sans moralité. En somme, dans quatre-vingt-cinq cas pour cent, les conditions morales sont déplorables du côté des parens. Ajoutez-y l’influence de conditions économiques non moins fâcheuses : comment des enfans sans parens ou sans maison pourront-ils se procurer un travail régulier, engendrant une vie régulière ? Les patrons eux-mêmes sont peu disposés à engager de pareils travailleurs. Et maintenant, avec de tels antécédens, dans de telles circonstances, accusez l’école ! Si le nombre des jeunes criminels augmente, c’est que la dégénérescence physique ou morale des parens, au moins dans une certaine classe, va elle-même augmentant et, chez leur descendance, s’accélère. Ce qui était vice, débauche, alcoolisme chez les parens devient crime chez l’enfant. Si, de plus, dans les grandes villes, vous entretenez un milieu d’immoralité ou de révolte chronique contre l’état social actuel, si même, par la presse populaire, vous favorisez jusque dans les petites communes la diffusion des idées et sentimens anti-sociaux, est-ce encore à l’école qu’il faudra s’en prendre ? Comment reprocher à l’instituteur de ne pouvoir façonner ce qui lui échappe, de ne pouvoir pétrir l’eau entre ses doigts ?

Non moins délicate est l’interprétation purement statistique de la différence entre les écoles laïques et les écoles religieuses. A Paris, sur 100 enfans poursuivis, on en trouve 2 à peine qui soient sortis d’une école religieuse. Sur 100 enfans détenus à la Petite Roquette, l’école congréganiste n’en fournit que 11, l’école laïque 87. Mais, sans nier l’heureuse influence des convictions religieuses, sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure, nous devons faire remarquer que l’école congréganiste peut trier ses élèves, tandis que l’école publique est obligée de tout recevoir. Celle-ci a quatre fois plus d’élèves, et de toute provenance. Les familles qui choisissent l’enseignement religieux pour leurs enfans les ont déjà plus sévèrement élevés. Le seul fait de choisir délibérément un enseignement qu’on juge supérieur indique chez les parens un noble souci de la moralité, qui a dû déjà se communiquer aux enfans eux-mêmes. Ce n’est donc pas aux chiffres bruts qu’il faut ici s’en rapporter.

En somme, nous n’admettons pas que l’enseignement obligatoire soit directement responsable du flot montant de la criminalité juvénile. Reste à rechercher les actions indirectes. Et tout