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Nobles Forêts, Forêts d’automne aux feuilles d’or,
Avec ce soleil rouge au fond des avenues,
Et ce grand air d’adieu qui flotte aux branches nues
Vers l’étang solitaire, où meurt le son du cor.

Forêts d’avril : chansons des pinsons et des merles ;
Frissons d’ailes, frissons de feuilles, souffle pur,
Lumière d’argent clair, d’émeraude et d’azur ;
Avril !… Pluie et soleil sur la forêt en perles !…

Ô vertes profondeurs, pleines d’enchantements,
Bancs de mousse, rochers, sources, bruyères roses.
Avec votre mystère, et vos retraites closes,
Comme vous répondez à l’âme des amants !

Dans le creux de sa main l’amante a mis des mûres ;
Sa robe est claire encore au sentier déjà noir ;
De légères vapeurs montent dans l’air du soir,
Et la forêt s’endort dans les derniers murmures.

La hutte au toit noirci se dresse par endroits ;
Un cerf, tendant son cou, brame au bord de la mare ;
Et le rêve éternel de notre cœur s’égare
Vers la maison d’amour cachée au fond des bois.

Ô calme !… Tremblement des étoiles lointaines !…
Sur la nappe s’écroule une coupe de fruits ;
Et l’amante tressaille au silence des nuits,
Sentant sur ses bras nus la fraîcheur des fontaines…


Forêts d’amour, Forêts de tristesse et de deuil,
Comme vous endormez nos secrètes blessures,
Comme vous éventez de vos lentes ramures
Nos cœurs toujours brûlants de souffrance ou d’orgueil.