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si souvent étrillé ses amis. On remarqua beaucoup le vote de Victor de Broglie, Montalembert, Casimir Perier, Vitet, Odilon Barrot contre l’ordre du jour.

La destitution de Changarnier n’avait pas été, de la part du Président, le prélude du coup d’Etat prédit contre l’Assemblée, mais la parade préventive d’un coup d’Etat de l’Assemblée en préparation contre lui. Il se garda bien de dépasser le but et de se laisser emporter à une offensive qui n’était pas encore dans ses intentions. Il se contente d’avoir brisé un auxiliaire en révolte, repris la direction de l’armée qu’on lui disputait, fortifié son autorité, accru son prestige. Il n’écoute pas plus qu’il ne l’avait fait dans les crises précédentes les impatiens ou les emportés qui le pressent d’en finir. Il avait fini et bien fini la tâche de l’heure présente, et cela lui suffit. Ses adversaires n’étaient pas assez usés et démasqués, la solution légale conservait ses probabilités. Il se remet de nouveau sur la défensive, il n’essaie pas une résistance inopportune au vote de défiance, et il renvoie ses ministres. Je suppose qu’il n’en éprouva pas un vif regret. Si le ministère Odilon Barrot lui avait été désagréable, il ne l’avait pas conduit comme celui-ci à deux doigts de sa perte par sa condescendance funeste pour la loi du 31 mai.

Les préoccupations extérieures n’avaient pas fait défaut non plus pendant la durée de ce ministère. A côté de quelques incidens bruyans, — l’affaire Pacifico et celle des réfugiés en Suisse, qui aussitôt réglées n’avaient laissé aucune trace, — s’en étaient déroulés d’autres en Italie, en Allemagne et en Orient, sans conséquences immédiates, en apparence sans intérêt pour nous, et qui en réalité constituaient le premier acte du drame dont cette étude prépare le récit. Détournons donc un instant nos regards de l’orage déjà noir qui commence à gronder à l’intérieur et voyons se former au dehors les premières vapeurs à peine visibles de l’ouragan terrible qui fondra sur nous en 1870.


EMILE OLLIVIER.