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Montagne dont sa police reçoit la révélation, il répond par l’arrestation immédiate de Gent et de ses principaux complices (29 octobre 1850). Aux soupçons des partis il oppose l’exposé toujours le même de ses desseins, au principe déployé de l’hérédité de droit divin, l’affirmation de la souveraineté nationale. Il corrige les maladresses réactionnaires de ses ministres et conjure les effets de la loi du 31 mai qu’on exploite contre lui, en rappelant avec ostentation l’origine populaire de son pouvoir. Aucun chef d’Etat n’a pris davantage la peine de s’expliquer. Il le fait successivement à Lyon (13 août), à Strasbourg (22 août), à Reims (28 août), à Caen (4 septembre). À Lyon il dit : « Je suis, non pas le représentant d’un parti, mais le représentant des deux grandes manifestations nationales qui, en 1804 comme en 1848, ont voulu sauver par l’ordre les grands principes de la Révolution française. Fier de mon origine et de mon drapeau, je leur resterai fidèle ; je serai tout entier au pays, quelque chose qu’il exige de moi, abnégation ou persévérance. Des bruits de coup d’Etat sont peut-être venus jusqu’à vous, Messieurs, mais vous n’y avez pas ajouté foi ; je vous en remercie : les surprises et les usurpations peuvent être le rêve des partis sans appui dans la nation ; mais l’élu de six millions de suffrages exécute les volontés du peuple, il ne les trahit pas. » Il revient sur la même idée à Strasbourg : « En quoi aurais-je démérité de votre confiance ? Placé par le vote presque unanime de la France à la tête d’un pouvoir légalement restreint, mais immense par l’influence morale de son origine, ai-je été séduit par la pensée, par les conseils d’attaquer une Constitution faite pourtant, personne ne l’ignore, en grande partie contre moi ? Non, j’ai respecté et je respecterai la souveraineté du peuple, même dans ce que son expression peut avoir eu de faussé ou d’hostile. Si j’en ai agi ainsi, c’est que le titre que j’ambitionne le plus est celui d’honnête homme. Je ne connais rien au-dessus du devoir. »

À Strasbourg le conseil municipal le boude ; à Besançon on organise contre lui une tentative d’assassinat, qu’il déjoue par son sang-froid, mais là, comme ailleurs, les populations se pressent autour de lui, lui prodiguent les témoignages d’affection, l’encouragent. Assuré des sentimens du peuple, il croit nécessaire de provoquer une manifestation publique de ceux de l’armée. On la disait à Changarnier ; il est indispensable de démontrer qu’elle est à lui. Le ministre fait savoir aux officiers le désir du Prince qu’à