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elle-même l’initiative sans y être provoquée. La nature de ses exigences et la violence de ses procédés nous donneraient lieu de croire qu’elle n’agit point seulement en vue de la paix, mais qu’elle menace l’intégrité du territoire piémontais ou tout au moins l’indépendance du gouvernement sarde. Nous ne laisserons pas, à nos portes, accomplir de tels desseins. Si, dans ces conditions, le Piémont est attaqué, nous le défendrons. » Il envoya copie de cette dépêche par Drouyn de Lhuys, ambassadeur à Londres, à Palmerston, en le priant de savoir quelles étaient ses intentions. Palmerston accueillit par les signes du plus vif assentiment cette lecture. « Vous voyez, Milord, ajouta Drouyn de Lhuys, jusqu’où nous voulons aller. Pouvez-vous m’apprendra jusqu’où vous irez vous-même ? » Palmerston répondit sur-le-champ : « Le gouvernement britannique, dont l’intérêt ici n’est pas égal au vôtre, ne prêtera au Piémont qu’une assistance diplomatique et un appui moral[1]. » Mais Schwarzenberg, instruit de nos dispositions, avant même que la dépêche de Tocqueville fût parvenue à Turin, donna l’ordre d’en finir et envoya à Paris toutes sortes d’explications et d’excuses. Le 6 août fut signée une paix, qui, après de tels malheurs, était véritablement inespérée. Ainsi, « dans la mesure de ses pouvoirs, Louis-Napoléon prêta au Piémont un vigoureux appui, même au-delà de ce qu’aurait exigé l’intérêt seul de la France[2]. »

Du reste, en tout ceci, les ministres secondèrent avec empressement les vues du Président, et Massimo d’Azeglio n’était que juste quand il faisait parvenir à O. Barrot ses remerciemens « pour l’appui qu’il avait trouvé dans le cabinet français. »

Le même accord entre Président et ministres subsista quand il s’agit de rendre moins dure la défaite des révolutionnaires vaincus. Leur folie avait empêché qu’on les soutînt ; leur malheur permit de leur témoigner quelque intérêt. Les gouvernemens qui les avaient réduits exerçaient contre eux de rudes représailles. Dans le duché de Bade, les Prussiens se montraient presque aussi cruels que les Autrichiens en Hongrie et en Lombardie ; ils exécutaient, suspendaient les libertés publiques. Les petits princes italiens restaurés se montraient impitoyables. A Modène et à Parme, François II et Charles III dépassèrent en férocité ce

  1. Dépêche des 25 et 26 juillet 1849.
  2. Luigi Chinla, Lettere di Cavour, tome Ier, page 218. M. Chiala est un historien de premier mérite qui honore grandement l’Italie.