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soupçons qu’on a soigneusement fait naître et entretenus contre nous ! On peut voir maintenant combien tout cela était artificiel. Que reste-t-il de cette fantasmagorie ? Le temps a suivi son cours, les esprits se sont apaisés, un ministère a été changé, et bientôt les choses ont pris l’aspect qu’elles auraient toujours dû avoir. Et le fait a paru si naturel et si simple qu’on ne s’en est même pas occupé, et que les journaux, avides de trouver des sujets d’articles, ont jugé que ceux-ci manqueraient d’intérêt. Rien n’avait encore mieux prouvé que la politique de M. Crispi appartient à une période définitivement close. On a parlé ces jours derniers en Italie, non pas des traités tunisiens déjà acquis, mais de ceux que l’amélioration des rapports avec la France permettrait sans doute, un jour prochain, de négocier et de conclure avec cette puissance. Ici encore, les partisans de la politique antérieure ont poussé un cri d’effroi. Ils ont condamné par avance tout traité de commerce avec nous. Ils ont assuré que la rupture de l’ancien traité avait été un bien pour l’Italie, opinion qu’ils auront sans doute quelque peine à faire partager à leurs lecteurs. Mais le danger qu’ils redoutent si fort n’est peut-être pas aussi rapproché qu’ils l’imaginent. Le mal accompli n’est pas si aisément réparable, et il faudra de patiens et d’habiles efforts pour en venir à bout. Bien que nous souhaitions autant qu’ils le craignent un rapprochement commercial entre la France et l’Italie, nous ne le voyons pas encore fait, ni sur le point de se faire. Il y aura de grandes difficultés à surmonter. Mais c’est beaucoup déjà qu’on puisse aujourd’hui les regarder comme surmontables. Il y a entre la situation actuelle et celle d’autrefois la même différence et la même distance qu’entre le discours si mesuré et si sensé de M. Visconti-Venosta et les harangues hargneuses de son prédécesseur. Une voie nouvelle s’est ouverte ; on ne sait pas encore jusqu’où elle conduira, mais la direction n’en est pas douteuse ; elle est dans le sens de la concorde et de la paix.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-gérant, F. BRUNETIERE.