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au nom de la théologie « positive », c’était la plus imprévue des audaces. Et comme si l’inédit appelait l’inédit, quelqu’un se levait en plein Reichstag pour revendiquer contre M. de Stumm la liberté de la science ; et ce défenseur de la libre science avait nom Stoecker. Inquiété dans ses intérêts, le libéralisme économique se faisait donner des leçons de tolérance par le représentant de la plus ombrageuse orthodoxie ; l’Eglise et la science étaient d’accord contre M. de Stumm ; et comme elles s’appuyaient l’une l’autre, on pouvait croire qu’elles seraient toutes deux victorieuses.

Il n’en fut rien : la science tint bon, mais l’Église dut capituler. Car la science, en Allemagne, est intangible, même aux tout-puissans qui osent toucher à tout ; les professeurs d’économie politique importuns à M. de Stumm, collaborateurs de la Hilfe ou de la petite Bibliothèque des travailleurs que dirige M. Naumann, ne furent même point inquiétés ; M. Adolphe Wagner, devenu recteur de l’université de Berlin, affecta, dans le discours solennel de rentrée, de rendre hommage au mérite scientifique du marxisme et de maintenir, à l’endroit des doctrines socialistes, son droit de libre examen et d’approbation partielle ; et même en mettant, dans l’un des plateaux de la balance, le poids de ses millions, de sa ténacité, de ses augustes amitiés, M. de Stumm ne pouvait faire incliner l’autre plateau, qui portait la science. Que pesait, au contraire, l’Église évangélique ? Rien évidemment, puisque le maître du sol (Landesherr) est maître de l’Eglise, et que M. de Stumm, en l’espèce, reflétait la pensée de Guillaume IL Le coup de clairon de M. de Stumm sonnait les débuts d’une campagne qu’allait entreprendre le pouvoir suprême contre le mouvement social évangélique, et les premiers indices s’en succédèrent rapidement : M. de Zedlitz, à la Chambre prussienne, attaqua les congrès évangéliques ; le gouvernement ne se fit point représenter au congrès d’Erfurt ; et le cours évangélique-social de Halle, par prudence, fut qualifié seulement de cours scientifique social, comme si l’épithète de « scientifique » garantissait le respect, et l’épithète d’ « évangélique » l’hostilité !

Précisément, en cette année 1895, l’empereur exigeait du Reichstag un enfantement des plus laborieux : celui de la loi contre les menées subversives (Umsturzvorlage), qui suscitait beaucoup d’inquiétudes en Allemagne ; et les attaques de détail, dont les socialistes de la chaire et dont les chrétiens sociaux