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l’ecclésiastique, dans des réunions libres et contradictoires, se montrât aux travailleurs et détruisît les préjugés. » Et conformément à ces tendances, le synode général de 1891 recommanda aux pasteurs de suivre le mouvement socialiste et de répandre la doctrine des saints livres sur la propriété et le travail ; il ajouta, même, que l’enseignement théologique des universités ne devait pas négliger « le point de vue social de l’Écriture. »

C’était la vie publique ouverte à l’Église prussienne : on la poussait à risquer des sorties, à tenter des trouées, comme l’avait fait depuis longtemps, sous les regards jaloux de M. Stoecker, le catholicisme rhénan. En 1878, au moment où M. Stoecker avait commencé sa campagne, le mouvement évangélique social n’avait point encore dépassé la phase académique ; l’année 1890 marquait le plein épanouissement de ce que nous en appellerions volontiers la phase ecclésiastique. À cette même heure d’histoire, Léon XIII promulguait son encyclique sur la condition des ouvriers. La religion chrétienne, qui parfois s’attardait encore, timide, dans la douce moiteur des chapelles, ou qui grelottait, miséreuse, dans la nudité des temples, était mise à l’air libre, en plein soleil, par le double vouloir du Pape et de l’Empereur. De ces deux vouloirs, le premier seul devait durer.


IV

En donnant ainsi la consigne de l’action sociale, le conseil suprême évangélique répondait excellemment à un état d’esprit et à un besoin d’âme qui devenaient de plus en plus fréquens parmi les jeunes pasteurs. On eût dit que la génération qui vieillissait avait dépensé tout son enthousiasme, épuisé toute sa ferveur, à réaliser d’abord, et puis à contempler une fois réalisé, l’idéal patriotique d’une Allemagne unifiée ; au surplus, à l’époque où elle avait fréquenté les universités, l’enseignement de l’économie politique, qu’incarnaient alors les grands noms d’Hildebrandt et de Roscher, reposait inconsciemment sur le postulat du libéralisme économique, et était plutôt une école de « laisser faire » qu’une école d’action sociale. Mais avec le temps, une jeunesse avait mûri, dont l’idée de patrie, devenue, par le fait même des victoires, moins exigeante et moins absorbante, ne suffisait plus à remplir le cœur, et qui voulait le bonheur du peuple allemand comme les pères en avaient voulu la grandeur ; et pendant qu’elle apprenait la théologie, les échos du socialisme de