Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

curé Ketteler, plus tard évoque de Mayence ; et ce qui d’autre part est non moins constant, c’est que Ketteler trouva dans son Eglise plus d’écho que Wichern n’en cherchait et n’en recueillit dans la sienne ; c’est que le catholicisme rhénan était mobilisé pour le service de la cause populaire, au moment où l’Eglise évangélique de Prusse obéissait encore au rescrit de 1863, qui ne semblait même point prévoir une activité sociale des pasteurs ; et c’est enfin que M. Stoecker, pour inciter ses coreligionnaires à la propagande chrétienne-sociale, leur a plus d’une fois allégué l’exemple persuasif de l’ « ultramontanisme ». Il résulterait au surplus, d’une confrontation entre les écrits de Wichern et ceux de Ketteler, que le premier voyait surtout, dans le quatrième Etat, une foule souffrante à soulager, et que le second y apercevait déjà une force politique à respecter : l’évêque baron avait un certain sens de la démocratie, qui ne s’éveilla qu’à la longue chez les notabilités des Eglises évangéliques.


II

Il y eut en Allemagne, au lendemain de 1870, comme une éclipse de la vie religieuse. L’ivresse du triomphe, ce matérialisme inconscient auquel le spectacle des succès de la force matérielle façonne bien vite l’âme populaire, répandirent sur les masses un flot d’irréligion ; pour en prévenir le reflux, en même temps que pour en exaspérer la violence, le socialisme était là, avec M. de Bismarck pour complice ; car le Kulturkampf, exclusivement dirigé contre l’Eglise romaine, eut sur les Eglises protestantes elles-mêmes un contre-coup que M. Stoecker a fréquemment déploré. Les socialistes avec brutalité, l’Etat avec politesse, la foule tacitement, mettaient l’idée religieuse en quarantaine ; et dans l’Allemagne victorieuse le Dieu des armées était récompensé par l’oubli. Lorsque l’année dernière, au moment du vingt-cinquième anniversaire de la fondation de l’Empire, on avait la douloureuse patience de faire le tour de la presse allemande, on y rencontrait sans cesse l’aveu formel de la léthargie, voire même de la décadence morale et religieuse, qui suivit 1870 : c’est comme une réaction contre cette atrophie de l’âme allemande que Rodolphe Todt, Adolphe Wagner, Adolphe Stoecker, avaient conçu, dès 1877, le « mouvement évangélique-social ».

Le Socialisme radical allemand et la Société chrétienne, ainsi s’intitule le livre de Todt, préface de ce mouvement. Simple