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pourvoir à ces misères matérielles qui entraînent ou trahissent des misères morales, annoncent et justifient à l’avance leurs incursions constantes et presque régulières dans le domaine de l’économie politique.

C’est entre 1840 et 1850 que ces incursions commencèrent. L’Allemagne, alors, était en travail de la démocratie ; et l’ascension politique des masses, les rapprochant des sommets où volontiers se cantonnait l’Eglise évangélique, faisait saillir, en un plus frappant relief, les progrès de l’irréligion populaire. Majestueusement relégué dans l’autre vie, le Christ n’attirait plus la foule ; Wichern voulut qu’il l’allât chercher, par une incursion dans la vie présente. Sous le nom de Mission Intérieure, ce chrétien d’élite, installé à Hambourg, créa une organisation permanente des dévouemens évangéliques, merveille de charité sur laquelle nous aurons à revenir ; mais la pensée même qui, du cœur de Wichern, fit jaillir cette institution, recelait d’autres fécondités et cachait une autre portée : indirectement, le mouvement évangélique-social en résulta. Lorsque Wichern augurait l’avenir de la Mission Intérieure, il y pressentait deux périodes : l’âge de la condescendance, durant lequel les Eglises et les classes supérieures tendraient aux nécessiteux une main propice ; et l’âge de l’initiative, durant lequel les nécessiteux eux-mêmes, unissant leurs mains et leurs âmes, librement associés sur le terrain chrétien, pourvoiraient à leur propre relèvement. Pèlerins du christianisme à travers le peuple, les frères de la Mission Intérieure y provoqueraient une fermentation de pensées et de désirs, au terme de laquelle la religion de Jésus, cessant de descendre de haut en bas, jaillirait des couches profondes de la nation allemande pour vivifier et consolider l’Etat. Ces desseins grandioses sont demeurés en suspens : à ces vagabondages d’apôtres, les frères ont préféré, peu à peu, une activité plus sédentaire, celle d’infirmiers, de surveillans, d’instituteurs ; de la première période prévue par Wichern, la Mission Intérieure n’a point hâte de sortir ; les Fliegende Blaetter, organe du comité central, ont montré peu de goût, depuis vingt ans, pour les tentatives « évangéliques sociales » ; et lorsque dans les congrès de la Mission Intérieure, à Offenbach en 1892, à Posen en 1895, M. le pasteur Naumann a insinué que le but de la Mission s’était peu à peu rétréci, il s’est heurté à la plus tenace des passivités, celle qu’oppose d’ordinaire, au désir du mieux, l’habitude du bien. Il convient, néanmoins, de faire honneur à Wichern, non point seulement de tout le bien