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L'ALLEMAGNE RELIGIEUSE

LE PROTESTANTISME ET LE MOUVEMENT SOCIAL

En Allemagne, dans le domaine de la théologie, la pensée protestante et les églises protestantes sont en un perpétuel conflit, dont l’enjeu n’est autre que l’essence même du Christ et de la divinité : nous en avons fait connaître les plus récens épisodes[1]. Derechef on apercevra la rivalité de ces deux forces, l’élite pensante et la hiérarchie officielle, si l’on veut bien descendre avec nous sur le terrain pratique de l’action sociale ; mais dans ce nouveau champ clos, elles ont, l’une par rapport à l’autre, changé de position et, si l’on ose dire, de rôle. Lorsqu’il s’agissait du dogme, la pensée protestante finissait par le vider en voulant l’approfondir ; les multiples grattoirs des exégètes, s’acharnant sur la lettre traditionnelle, y laissaient des trous par où l’esprit s’évaporait ; et les Eglises, au contraire, s’efforçaient de préserver, autant que possible, l’apparente intégrité de la foi. S’agit-il, en revanche, de l’application sociale du christianisme, la pensée protestante — ou, pour parler plus exactement, la pensée chrétienne, réveillée, dans l’Allemagne réformée, par l’expérience des révolutions et le spectacle des succès du Centre — questionne loyalement l’Evangile et, quelles que soient les réponses, se pique de n’en point amortir le bruit ; et les Eglises, au contraire, jalouses de ménager les pouvoirs politiques dont Jésus n’avait point prévu les caprices, ou les puissances financières dont Jésus n’avait point escompté les intérêts, limiteraient volontiers les prétentions de

  1. Voyez la Revue du 15 août et du 1er octobre 1896.