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Je t’envie humblement le merveilleux poème
Où, pour douer l’esprit d’un infaillible essor,
L’Algèbre, les yeux clos, transposant le problème,
Aux secrets de l’espace ajuste sa clé d’or,

Le rêve est l’inventeur ! et c’est être poète
Qu’apparier le songe et la création !
Tu rôdes, mais la roche où ton ongle s’arrête
Conserve à tout jamais la marque du lion !



Ainsi, toujours en marche, a gravi ta pensée
Du plus intime val au faîte universel.
Elle erre quelquefois mais n’est pas distancée,
Car elle étreint ensemble et la terre et le ciel.

Ton aile est ton ouvrage et l’audace l’anime :
Nouvel Icare, au vol désormais haut et sûr,
Icare du savoir, dans ta quête sublime
Ton regard vise au loin la clarté non l’azur.

Amphion du langage, à des pierres confuses
Tu fis dresser un ferme et pur entablement :
Laisse donc aujourd’hui le chœur entier des Muses
Te rajeunir le front de leur baiser charmant !

Honneur à toi ! La foule aveuglément heureuse,
Initiée à peine aux cultes qu’elle rend,
S’abreuve au bord des puits que le savoir lui creuse,
Apprenons-lui pourquoi ton nom qu’elle aime est grand !

Pour t’offrir une gloire à jamais sans rivale
Demain nous bâtirons, avec tous tes écrits,
Par les mains de la France une arche triomphale
Où passera l’armée auguste des esprits !


SULLY PHUDHOMME.