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Descartes, c’est ton être, où point ta conscience
Qui le nomme à lui-même et l’impose à ta foi.
Tu dis, forçant le doute à fonder la croyance :
« Puis-je douter sans être ? Il me faut croire en moi. »

Fort d’un titre avéré tu fouilles ton domaine,
Et voilà que tu sens au mur de ton cerveau
Heurter un visiteur plus grand que l’âme humaine,
Un muet formidable, étrangement nouveau.

D’où vient-il ? — Aussitôt d’inébranlables suites
Surgissent par degrés de ton premier aveu,
Et ces marches d’airain sur le granit construites
Escaladent le ciel du fond de l’âme à Dieu !

Les fronts ont salué, tous, du portique au temple,
Dans l’angoisse levés ou posés sur l’autel,
La preuve, désormais plus profonde et plus ample,
D’un soupirail ouvert sur le monde éternel.



Mais, si haute, pourtant, que soit sa destinée.
L’homme est terrestre encore, ô Descartes ! chez lui
La Vérité jalouse est rarement innée ;
Combien souvent l’a-t-elle ou fait attendre ou fui !

Il caresse l’erreur que son rêve imagine.
Toi-même, tes esprits, qui te servaient si bien.
Ne t’ont pas moins leurré que la froide machine
Qui supplantait, ingrat, le bon cœur de ton chien.

Mais le rêve est parfois d’une audace féconde,
Et, méconnu, renaît trempé par ses revers,
Vois rebondir plus prompt et, renouant sa ronde,
Tourbillonner l’atome, appui de l’Univers !