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des parlement locaux pour s’adresser directement au peuple. S’il y a si peu d’entente dans le sein d’une même colonie, on juge combien il doit être difficile de concilier les jalousies provinciales. A peine la conférence d’Hobart séparée, elles se donnaient carrière. Le gouvernement de l’Australie du Sud concluait avec la Nouvelle-Zélande, pour sept ans, un traité de commerce par lequel il lui accordait, à l’exclusion de toute autre colonie, certains avantages ; c’était se mettre dans l’impossibilité d’adhérer à un projet de fédération, fondé sur le libre-échange. Il est vrai que le traité ayant été repoussé par le Parlement, le ministère changeait avec prestesse sa position, déposait et faisait voler, le premier de tous les gouvernemens australiens, le Federal Enabling Bill. Un peu plus tard, le premier ministre de Victoria ayant voulu prendre l’initiative d’une légère modification à la procédure à suivre, son collègue de la Nouvelle-Galles, initiateur du projet, protesta avec aigreur. Il se montra cependant plus conciliant vis-à-vis du Queensland, dont le gouvernement avait annoncé l’intention de faire élire les députés à la Convention, non par le peuple, mais par la Chambre basse qui venait d’être renouvelée : c’est qu’après tout M. Reid tient au succès du projet dont il est l’initiateur ; mais un grand nombre de membres du Parlement de Sydney présentèrent une motion déclarant que les délégués de la Nouvelle-Galles se refuseraient à siéger à côté de membres qui n’auraient pas été élus par le suffrage universel. La proposition fut rejetée, et le Parlement du Queensland ne s’est, du reste, pas encore prononcé sur le Federal Enabling Bill. Tous ces menus incidens témoignent des rivalités d’amour-propre qui existent dans le monde des politiciens, et font prévoir bien des difficultés avant que le projet de M. Reid ou tout autre puisse aboutir.

Pour que la fédération des colonies australiennes se fît, il faudrait qu’une pression irrésistible du sentiment populaire eût raison des jalousies personnelles et régionales. Or la masse du peuple australien lui est bien favorable et sent confusément qu’il en résulterait des avantages sérieux pour l’ensemble du pays ; mais elle n’y attache pas encore une importance telle que cette question prime toutes les autres, et aussi longtemps qu’il en sera ainsi, les vanités de clocher, les intérêts locaux risquent fort d’empêcher la grande réforme de se réaliser.

On ne saurait contester en effet qu’une certaine perturbation ne résultât de l’union douanière qui est la condition nécessaire