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conseil de défense prépareraient, pense-t-on, l’unité de l’Empire britannique, aussi sûrement que le Zollverein germanique a préparé l’unité de l’Empire allemand. Tels sont les projets, — ou les rêves, — des champions de l’impérialisme. Nous venons de voir quel accueil ils ont reçu en Grande-Bretagne ; il nous faut étudier maintenant ce qu’en pense l’opinion dans les colonies.


III

Et d’abord, quelles sont les colonies dont l’opinion est le plus importante à connaître, quelles sont celles même où il existe une opinion ? Sur les 300 à 320 millions d’hommes qui peuplent l’Empire britannique, en dehors de la métropole, combien s’en trouve-t-il qui aient réellement, selon le mot de M. Chamberlain, « une origine commune, une histoire commune, une littérature commune… » à eux et aux habitans du Royaume-Uni ? Il y a quelque 10 millions et demi de blancs dans l’ensemble des dépendances de l’Angleterre, et parmi eux 1 800 000 à 2 millions ne sont ni de sang anglais ni de langue anglaise. Les trois cents autres millions se composent de 280 millions d’Hindous et de Birmans, de quelques centaines de mille Malais et insulaires océaniens, des nègres primitifs de l’Afrique ou prétendus civilisés des Antilles. Tous ces gens de couleur, à l’exception de 2 à 3 millions de noirs de l’Afrique du Sud, vivent dans l’empire des Indes ou dans des colonies de la couronne ; au milieu d’eux se trouvent seulement, principalement dans les Antilles et à Maurice, 250 000 à 300 000 blancs, dont la moitié sont de langue française. L’acquiescement de tous ces pays qui ne sont pas autonomes aux projets de fédération impériale dépend principalement, et même, pour la plupart d’entre eux, absolument, du gouvernement anglais lui-même. D’ailleurs, s’ils entraient quelque jour dans une telle fédération, ce serait au même titre que les territoires dans l’Union américaine, ou même que les anciens bailliages sujets de la confédération suisse. Ils ne peuvent — et la plupart d’entre eux ne pourront jamais, ou du moins de très longtemps, — se gouverner eux-mêmes ; ils continueraient donc d’être administrés par des autorités que nommerait soit l’Angleterre seule, soit le gouvernement de la confédération. Ce pourraient être des possessions de celle-ci, ce n’en seraient pas des membres. Les contrées dont il importe de connaître l’opinion, ce sont les filles majeures de