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votre oncle bien-aimé, vous devait tout dire et qu’il se chargerait de la réponse, que je n’avais qu’à le laisser faire. Mais voyez donc, dans quel siècle d’airain vivons-nous ? on ne peut compter sur les faiblesses de personne, pas même sur le bavardage !

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Le temps présent, s’il vous intéresse, n’a qu’une chose à vous faire connaître de moi : c’est mon immobilité. Après cette interruption de cloches et de canons, mon couvent a refermé sur moi ses gonds de fer et je suis revenu m’asseoir près d’un lit de malade ; lit dont la bonne et patiente habitante ne peut encore être transportée même dans la plus douce voiture. Tout est prêt pour le voyage dès qu’il se pourra faire ; et vous savez que la plus douce station pour nous sera celle de mon air natal, que vous respirez et que je vous envie.

Je n’écrirai pas plus longtemps, je suis fatigué. Hier, plus inquiet que de coutume, j’ai passé la nuit debout ; et, ce matin, j’ai vu le lever de l’abominable aurore que je hais, parce que je l’ai vue trop souvent venir s’asseoir au chevet des malades, à côté de moi.

Conservez-moi, malgré mes désordres de conduite dans cette existence que je vous raconte, un peu de bonne amitié ; et pour vous bonne année !


XVI


Paris, le 5 avril 1856.

Eh bien, chère Alexandrine, et le mot de l’énigme, où est-il ? Me le donnerez-vous ? Je l’attends toujours. Avez-vous découvert une Australie ou une Californie ? Connaissez-vous un Eldorado et un Candide qui parte pour chercher des moutons rouges ferrés en or ? Pour moi, je n’ai rien compris à tout votre dernier petit billet. Est-ce une charade ou un logogriphe ? dites-le franchement, chère amie. O mystérieuse étourdie que vous êtes ! Quand donc vous arrivera-t-il de me comprendre ? Que vous faut-il donc encore pour me connaître ? Avez-vous pu croire que, si je ne pouvais pas aller vous voir pour vous voir, il y avait au monde un intérêt, un but qui pût me faire partir ? Vous aimez, dites-vous, l’indépendance et un peu enfin la fierté avec lesquelles j’agis dans les choses publiques ? Ne comprenez-vous pas la dépendance où m’enchaîne le seul devoir que je me reconnaisse ?