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cette injustice soit réparée avant que son malheur et ses douleurs ne s’aggravent. Mais comment puis-je croire à une mauvaise foi si cruelle ? Si donc vous voulez du bien à cette excellente personne, achevez votre œuvre en la voyant à votre passage à Tours, et qu’elle vous dise les faits. Je voudrais, chère et gracieuse amie, que votre belle main fût le ministre des grâces et justices. Allez donc parler en passant à cette affligée, que je croyais sinon heureuse, du moins tranquille depuis onze ans.

Aurez-vous à Blois un état-major convenablement composé des danseurs de l’hiver, des nageurs de l’été, des féroces chasseurs de l’automne, et des causeurs de toutes les saisons ? Je vous souhaite autant de rossignols, de lys, et de roses, qu’il y en a autour de la chambre à coucher de Lydia, qui est au lit, hélas ! Mais je ne vous souhaite pas les tristesses et les inquiétudes qui m’assiègent souvent, et qui vous seront, j’espère, toujours inconnues.


XIII


Au Maine-Giraud, mardi 3 août 1852.

J’ai résolu, chère Alexandrine, de vous consulter sur tout ce qui touche notre famille. Voici quelqu’un qui m’écrit pour m’attester une découverte qu’il vient de faire à Limoges, pays assez anciennement connu, et qui était l’antique Lémovice des Gallo-Romains. Est-ce parmi les médailles qu’il se trouve que j’ai là une cousine germaine, m’écrit-on, issue des Vigny, et qui a épousé M. Gondinet, ancien sous-préfet, et l’un des propriétaires les plus considérables du pays ? Je n’avais été informé en aucune façon ni du voisinage, ni de la parenté, et si vous pouvez et voulez m’en parler, vous me ferez plaisir. J’espère que ma cousine n’est pas du temps des Gallo-Romains.

Vous m’avez fort diverti par votre étonnement des pétitions des campagnes des deux Charentes. Elles ressemblent fort aux adresses tourangelles que vous m’aviez envoyées, touchant Alexandre le Grand et son entrée à Babylone. Celles de ce pays sont écrites tous les matins par des gens qui ne savent pas écrire et font une croix pour signer. Soyez tranquille, ces bonnes gens n’ont pas le même genre de littérature que moi, et il est peu probable que nous écrivions ensemble. Mais je me demande comment quelque chose peut surprendre dans une nation tombée dans l’anarchie. Après la corruption, la dissolution, voilà ce qu’il ne faut pas oublier.