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pas. Il s’assouplit, devint déférant, et peu à peu s’avança au premier rang dans la confiance et dans la faveur.


VII

Rome fut vite réduite aux extrêmes. Garibaldi, son défenseur, se montra dès lors, ce qu’il sera toujours, aussi valeureux soldat qu’inepte général[1]. Mazzini parla de faire de la ville un amas de cendres sous lequel il s’ensevelirait. Les Romains enfin réveillés ripostèrent qu’ils n’enviaient pas le sort de Saragosse, que le Vatican et Saint-Pierre valaient plus que la meilleure des républiques, et ils ne permirent pas aux torches de s’allumer. Mazzini renonça à s’ensevelir et s’enfuit, Garibaldi l’imita quoiqu’il n’eût rien à redouter de nous ; et notre armée entra sans coup férir au soulagement du grand nombre. Notre occupation fut clémente. A l’exception de Cernuschi, arrêté à Civita-Vecchia, et plus tard remis en liberté, on laissa s’évader les triumvirs et tous les hommes compromis, avec des passeports anglais et américains ; on en délivra de français à quiconque en voulut. Ni proclamations féroces, ni supplices ; on demanda les armes et on ne les arracha pas ; pas d’exactions non plus ; tandis que l’occupation autrichienne accablait l’Etat pontifical, la nôtre ne lui coûta rien[2].

La chute de Venise suivit celle de Rome et fut plus cruelle. Le choléra et la famine l’achevèrent, et elle tomba sous un sabre inexorable (24 août 1849). Manin, son grand dictateur, se réfugia dans cette France qu’il ne rendait pas responsable de la cruelle nécessité dans laquelle, sous la menace d’une coalition européenne, ses chefs s’étaient trouvés de respecter le traité de Campo-Formio, malgré leur désir ardent de le déchirer.

Après la chute de Rome et de Venise tout fut fini en Italie comme en Prusse et en Autriche.

Au-dessus de cette ruine de l’espérance des peuples planait le tsar Nicolas, plus imposant et plus adulé, plus triomphant et plus altier que ne le furent jadis Alexandre et Metternich. Il avait été l’âme de la réaction qui couvrait maintenant l’Europe d’un voile de deuil. Quand on l’avait appelé il était accouru, comme dans les Principautés Danubiennes et en Hongrie. Il serait descendu en Italie si cela avait été nécessaire, et dans le Jutland, si le roi de Prusse n’avait pas arrêté Wrangel. Où il n’avait pas combattu, il avait conseillé. C’est lui qui avait excité l’Autriche à ne pas céder la Lombardie et à exiger le maintien des délimitations

  1. Farini, lo Stato pontificio, t. IV. « Tanto valoroso condottiere quanto inetto generale. »
  2. Farini, t. IV, p. 246 à 260.