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installait avec peine son gouvernement, elles avaient continué à s’assombrir.

En Allemagne, le roi de Prusse, ayant rétabli l’ordre chez lui, persistait à porterie désordre dans le Sleswig et à y défendre la révolution contre le souverain légitime du pays[1]. Son général Wrangel battait les Danois et s’avançait vers le Jutland. Les menaces de la Russie et de la Suède, soutenues par les bons offices de l’Angleterre, obtinrent à grand’peine à Malmoe un armistice de sept mois.

Cet arrêt contrariait les vues de la démagogie allemande réunie à Francfort autour du Parlement. Elle entre aussitôt en effervescence, se soulève, massacre deux députés prussiens conservateurs, le prince Lichnowsky et le général d’Auerswald. L’ordre n’est rétabli que par l’arrivée de bataillons autrichiens et prussiens, et c’est grâce à leur protection que le Parlement reprend et termine le vote de la Constitution unitaire.

Elle établit au sommet un empereur héréditaire, ayant le droit de guerre et de paix, le commandement suprême sur l’armée, la représentation extérieure, mais avec le concours d’un ministère responsable devant un Reichstag ; ce Reichstag se composait d’une Chambre haute des États, représentant les souverains et les Diètes particulières, et d’une Chambre directe, élue, sans condition de cens, au scrutin secret, par le suffrage universel. Le titre d’empereur allemand fut offert au roi de Prusse (28 mars 1849) par 290 voix (248 abstentions).

Le roi de Prusse fut très embarrassé : à aucun prix il ne voulait du suffrage universel et le titre même d’empereur ne le tentait pas ; il le laissait volontiers avec sa pompe à l’empereur d’Autriche ; il lui suffisait d’être proclamé chef militaire héréditaire de la Confédération. Schwarzemberg s’amusa fort de cette conception. « Soyez empereur si cela vous convient, répondit-il, mais nous ne vous donnerons pas les troupes allemandes à commander. » Et voilà le pauvre homme mis en demeure ; à la rigueur, il se fût résigné. Mais cette couronne offerte par la démocratie lui paraissait « un oripeau, un bric-à-brac pétri de fange que ne pouvait accepter un roi légitime, un roi de Prusse. » Il se tira d’affaire par une ambiguïté : « Cet appel me donne un droit dont je sais apprécier la valeur, mais je subordonne mon consentement au libre consentement des têtes couronnées, des princes et des villes libres de l’Allemagne (3 avril 1849). »

Était-ce un oui, était-ce un non, on en disserta dans les cercles politiques. À Francfort on décida que c’était un non. En

  1. Bismarck, discours du 21 avril 1849.