Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette eau nécessaire à la germination de la graine, ne l’est pas moins pendant la croissance, car les feuilles, par leur transpiration, en dépensent d’énormes quantités.

Quand on arrache à des époques régulières, pendant toute la saison, des betteraves, de façon à déterminer leur poids, et qu’en outre on pèse séparément les feuilles et la souche, on trouve qu’au début le poids des feuilles croît beaucoup plus vite que celui des racines. M. Pagnoul a constaté dans le Pas-de-Calais que le 11 juin, la racine ne pesant encore que 1 gramme, les feuilles ont un poids de 8 grammes ; le 1er juillet, elles atteignent 110 grammes, et 402 grammes le 31 ; à ces mêmes époques, le poids des racines était de 31 grammes, puis de 340 ; vers le 10 août, feuilles et racines présentent des poids égaux, puis à mesure que la saison avance le poids des feuilles diminue, tandis que celui de la racine continue à augmenter ; au mois d’octobre, les feuilles ne pèsent plus que 100 grammes, tandis que la racine dépasse 1 kilogramme. M. Aimé Girard observe également, aux environs de Paris, que les feuilles s’accroissent d’abord plus vite que les racines : au commencement de juillet, les feuilles pèsent 276 grammes et la racine seulement 9 grammes ; pendant les mois de juillet et d’août, les feuilles n’augmentent plus, tandis que la racine atteint déjà 520 grammes et dépasse la feuille, et bien qu’en 1885, année pendant laquelle ont eu lieu les observations, les feuilles aient en septembre un regain de végétation, leur poids ne dépasse guère, en octobre, la moitié de celui de la racine.

Les feuilles, nous l’avons dit déjà à plusieurs reprises ici même, sont le laboratoire de la plante ; c’est dans leurs cellules à chlorophylle que s’élabore la matière végétale ; la chlorophylle, la matière verte qui joue un rôle capital dans l’assimilation du carbone, est une matière azotée ; elle est d’autant plus abondante que les engrais ont été distribués plus largement, et le contraste que présente un champ de betteraves bien fumé et une pièce qui n’a reçu qu’une quantité de matières fertilisantes insuffisante est tout à fait frappant ; dans le premier, les feuilles sont larges, vigoureuses, d’un vert foncé, dans l’autre elles sont jaunâtres, pâlottes ; l’abondance des récoltes de racines variera avec la vigueur du feuillage, car, on ne saurait trop le répéter, c’est dans la feuille que prennent naissance et les hydrates de carbone qui deviendront du sucre dans la racine et les matières albuminoïdes qui lui donnent sa valeur alimentaire.

Le mécanisme de cette élaboration de la matière végétale commence à être bien connu ; les fouilles saisissent dans l’air, grâce à l’énorme quantité d’eau qu’elles renferment, l’acide