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donnent au contraire des récoltes de betteraves plus abondantes quand elles ont reçu des phosphates.

Le champ d’expériences de Grignon a fourni, cette année même, une démonstration très nette de ces différences ; la petite parcelle appauvrie par une longue suite de cultures sans engrais, qui, cette année, est en betteraves, portait l’an dernier du blé. On avait répandu, un peu tardivement, des superphosphates sur la moitié de la surface, et cette addition n’avait pas produit d’effet bien sensible ; il n’en a plus été de même pour les betteraves, l’engrais non employé par le blé avait persisté dans le sol, et cette demi-parcelle porte une petite récolte de betteraves, le sol est couvert, tandis que sur l’autre moitié, ainsi qu’il a été dit, la terre est presque nue.

Les engrais phosphatés sont aujourd’hui si communs, à si bas prix, que tous les cultivateurs avisés ne manquent pas d’en répandre sur les champs destinés aux betteraves, et ne renoncent à leur emploi qu’autant que des essais multipliés ont montré qu’ils n’augmentaient pas les récoltes. On conçoit que les terres naturellement riches en acide phosphorique, recevant une fumure de 40 tonnes de fumier apportant 120 kilos d’acide phosphorique, en contiennent une quantité suffisante pour alimenter les betteraves et le blé qui suit, et que l’acquisition des superphosphates devienne inutile. Ils n’exercent, en effet, aucune action sur les terres de Grignon, bien fumées, ni sur les sols noirs de la Limagne d’Auvergne.

L’accroissement de fertilité des sols qui portent souvent de la betterave n’est pas dû seulement à l’abondance des fumures, mais aussi à l’ameublissement des couches profondes, qui est la condition même de la réussite de cette culture. On emploie pour les labours d’automne de fortes charrues souvent désignées sous le nom de Brabant, qui remuent la terre jusqu’à 30 centimètres et même 40 quand on y attelle 3 paires de bœufs.

C’est dans l’exécution de ces travaux d’ameublissement que se montre l’habileté du cultivateur ; celui qui connaît bien sa terre sait le moment où il faut la prendre ; l’expérience lui a enseigné qu’une terre argileuse travaillée à contretemps est gâtée quelquefois pour toute une saison ; on n’est pas maître cependant de retarder les travaux, et il arrive qu’on soit contraint de donner les labours d’automne à des terres humides, et que les larges bandes de terre retournées par la charrue s’agglutinent en grosses mottes. Si elles persistaient jusqu’au printemps suivant, les ensemencemens seraient très difficiles, car ces mottes durcissent par la sécheresse et résistent aux instrumens. Quand l’hiver est