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plante, les terres sans engrais sont précédées et suivies d’autres parcelles régulièrement fumées. Or, tandis qu’on pouvait parcourir la bande consacrée aux pommes de terre, sans être frappé des différences que présentaient les parcelles fumées et celles qui étaient restées sans engrais depuis vingt ans ; que l’avoine était à peu près de même taille, soit qu’elle eût poussé sur la terre appauvrie ou en bon état de fumure, on apercevait déjà des différences pour le blé ; il était plus court, plus jaune sur la parcelle épuisée que sur ses voisines ; à la moisson, on ne recueillit que 16 quint. métr. de grains, tandis que les deux parcelles voisines fournirent en calculant encore par hectare, 31 quint, métr. et 27qm, 5. Après vingt ans de culture sans engrais, le blé donne donc encore une récolte passable ; il n’en est plus de même de la betterave : les graines semées ont levé, puis, peu à peu, les petites plantes, ne trouvant pas les alimens nécessaires, ont péri ; quelques pieds ont seuls survécu, et végété misérablement au milieu de grands espaces vides. Sur cette terre appauvrie, la culture de la betterave est devenue impossible.

Il faudrait distribuer pendant plusieurs années, à ces parcelles, de fortes fumures pour les remettre en état de porter de bonnes récoltes de betteraves. Nous avons pendant plusieurs saisons, feu M. Porion et moi, dirigé la culture d’un domaine du département du Nord, qu’un fermier avait laissé en mauvais état ; très vite on réussit à y obtenir de magnifiques récoltes de blé, mais au moment où les expériences prirent fin, on n’osait pas encore introduire la betterave, par crainte de n’en tirer que de médiocres rendemens.

Quand on prépare une terre pour betteraves, il est avantageux d’y incorporer dès l’automne de 40 à 60 tonnes de fumier de ferme. Il arrive malheureusement qu’on ne dispose pas toujours avant l’hiver d’une masse suffisante pour que chacune des pièces ait la dose utile : on remédie à ce défaut de la fumure d’automne soit par l’acquisition de tourteaux, soit en pratiquant les cultures dérobées destinées à servir d’engrais.

L’habitude d’employer les engrais verts est générale dans la Limagne d’Auvergne, où les grandes usines à sucre de Bourdon ont propagé la culture de la betterave. Elle alterne indéfiniment avec celle du blé ; cette succession ne s’interrompt que tous les quinze ans, pour introduire une luzerne. Aussitôt après la moisson, la terre, débarrassée de sa récolte, reçoit un léger labour de déchaumage ; on y emploie des instrumens variés ; les cultivateurs pauvres font encore usage de leur vieil araire, mais d’autres emploient une déchaumeuse encore peu répandue, dont