Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/963

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou du moins la prorogation de la convention douanière avant la fin de l’année, où elle arrive à son terme. Qui vivra verra. Les prévisions seraient, en ce moment, bien hasardées sur les chances du scrutin ; mais il est hors de doute que les élections se feront principalement sur le compromis financier et sur les conditions dans lesquelles il sera ou ne sera pas renouvelé ; et si les députés sont, comme nous l’avons dit, particulièrement intraitables à la veille des élections, ils ne le sont guère moins au lendemain immédiat, encore chauds et bouillans des luttes qu’ils ont soutenues et tout pleins des engagemens qu’ils ont pris pour en sortir avec succès.

En Autriche, les élections, vraisemblablement, ne seront pas avancées ; elles n’auront lieu que l’année prochaine ; mais les résultats n’en sont pas moins incertains, d’abord parce que la question du compromis s’y présente, comme en Hongrie, à l’état le plus aigu ; ensuite parce que la récente loi électorale ayant créé une curie nouvelle, celle du suffrage populaire, ou même, comme on dit volontiers, du suffrage universel, nul ne peut savoir ce que seront les 75 députés qui entreront en plus de ceux d’aujourd’hui dans la Chambre future. Le comte Badeni se préoccupe déjà très activement de constituer sa majorité de demain, et, s’inspirant des exemples donnés autrefois par le comte Taaffe, il montre une véritable habileté à coudre ensemble des morceaux assez disparates : reste à savoir si la couture sera solide. En attendant, c’est surtout en Bohême que le mouvement des esprits est le plus digne d’attention ; mais il est tellement mobile, et parfois même contradictoire, qu’on a de la peine à en suivre les brusques évolutions. On a pu croire, il y a quelques jours, que le parti jeune-tchèque se rapprocherait du gouvernement. Ce parti, qui a rompu autrefois avec M. Rieger et l’a condamné à la retraite parce qu’il le trouvait ce que nous appellerions en France trop opportuniste, a paru sur le point de renoncer à une intransigeance qui ne lui a, d’ailleurs, jusqu’ici qu’imparfaitement réussi. Un de ses orateurs les plus influens, M. Gustave Eim, a prononcé devant ses électeurs un discours qui n’était pas fait pour déplaire au comte Badeni. M. Eim a déclaré que le parti jeune-tchèque devait se rapprocher du parti conservateur et de ses alliés, c’est-à-dire des Polonais, pour lutter de plus en plus contre le parti libéral et ses alliés de nuance teutonne ; — non pas que M. Eim ne soit pas libéral ; il affirme avec raison que personne ne pourra le prendre pour un clérical ; mais, d’autre part, a-t-il dit, « je ne serais ni sincère, ni patriote si je dissimulais que les conservateurs ont plus d’intelligence et de sympathie que les autres pour notre droit et notre autonomie. Les conservateurs ont des idées qui sont en contradiction avec tout notre passé et avec les convictions de notre peuple ; les Tchèques ne sauraient en aucune façon penser à une alliance avec les cléricaux ; mais si la grande propriété conservatrice veut soutenir