Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/962

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intervention directe de l’empereur qui, aux termes de la constitution, et dans le cas où l’accord ne pourrait se faire entre les deux parlemens, aurait le droit d’imposer sa volonté ; mais c’est là une ressource extrême et, s’il faut y recourir, ce ne sera qu’après avoir épuisé tous les autres moyens de se mettre d’accord. Malheureusement, ces moyens semblent devoir manquer jusqu’au bout. Il faut ajouter à ces difficultés, déjà si graves, celles qui se rattachent au renouvellement de la convention commerciale et douanière, dont les dispositions actuelles ne conviennent plus ni à la Hongrie, ni à l’Autriche. Plusieurs problèmes d’ordre secondaire viennent compliquer encore ceux qui tiennent la première place dans les programmes des partis. La situation semble inextricable, et M. de Beust lui-même, qui a fait non sans peine le compromis dualiste de 1867, aurait peut-être plus de peine encore à en assurer aujourd’hui le renouvellement.

Pour comble de malheur, au moment où arrive l’échéance décennale du compromis, on est en Hongrie à la veille et en Autriche à l’avant-veille des élections générales. Il en résulte pour les esprits un nouvel élément de fermentation. Dans tous les pays du monde, les députés se montrent plus ombrageux à l’approche des élections, c’est-à-dire du jour où ils sont appelés à rendre des comptes à leurs commettans. De plus, la situation parlementaire, en Hongrie, est restée profondément troublée à la suite de l’adoption des lois confessionnelles qui ont établi le mariage civil, etc. Le parti libéral aurait dû conserver quelque reconnaissance au gouvernement d’avoir fait passer les lois confessionnelles ; mais, soit que le baron Banffy ait manqué de l’autorité nécessaire, soit qu’il n’ait pas eu, dans ses rapports avec les diverses fractions parlementaires, la souplesse, sinon la fermeté indispensable pour les maintenir unies, la défection n’a pas tardé à se mettre dans les rangs de sa majorité, et on a vu se former, ou du moins se préparer contre lui les coalitions les plus hétérogènes, et pourtant aussi les plus redoutables. Dès l’ouverture du parlement, qui a eu lieu le 3 septembre, il a été évident que la partie était perdue pour le ministère. Le baron Banffy a mieux aimé jouer le tout pour le tout que de s’user dans une lutte journalière, qui n’aurait pas pu d’ailleurs se prolonger longtemps ; il a obtenu l’autorisation de dissoudre le parlement. Le bruit s’en est répandu il y a déjà quelques jours ; bientôt la résolution de l’empereur n’a plus été douteuse ; enfin, le 6 octobre, François-Joseph lui-même, à la suite d’un voyage en Roumanie, — voyage auquel certains journaux ont donné une importance politique probablement exagérée, — est venu à Pesth pour y prononcer la dissolution de la Chambre. Les élections auront lieu à la fin du mois ; elles devaient avoir bleu normalement en février ; on voit que la différence n’est pas très considérable. Le baron Banffy espère, dit-on, que la nouvelle Chambre se réunira assez tôt pour voter le renouvellement