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le sont par goût, par choix, et non pas seulement par nécessité ; ils le sont alors d’une manière qui leur paraît plus honorable et qui coûte moins à leur dignité. Et si ce sont là les sentimens que l’alliance russe a fait naître ou qu’elle entretient dans l’âme de la France, tout le monde ne doit-il pas s’en applaudir ?


Nous avons parlé incidemment de ces arrangemens italo-tunisiens qui ont provoqué tant de mauvaise humeur de la part du journal de M. de Bismarck ; ils n’ont pas été mieux accueillis par les journaux dévoués à M. Crispi. Le ministère italien aura sans doute une bataille assez vive à soutenir devant la Chambre pour en assurer le vote, mais nous ne doutons pas qu’il n’en sorte largement victorieux. Leur conclusion a été un acte de bonne politique autant pour l’Italie que pour la France, autant pour la France que pour l’Italie ; elle fait également honneur à M. Visconti-Venosta et à M. Hanotaux, parce qu’elle témoigne de part et d’autre d’un même désir de faire disparaître ce qui divise artificiellement les deux pays, et de développer au contraire ce qui doit naturellement les rapprocher. Pour bien comprendre les avantages des arrangemens qui viennent d’être pris, il faut se demander ce qui serait arrivé si les négociations avaient échoué. C’était, sur le champ clos tunisien, la guerre de tarifs et bientôt la guerre politique entre l’Italie et la France : encore ne sommes-nous pas bien sûrs que le mot de champ clos soit exactement choisi, car les difficultés nées sur ce terrain en auraient certainement provoqué ailleurs, et nous étions menacés d’entrer dans une voie de récriminations et de querelles dont il était impossible d’apercevoir l’issue. La France aurait combattu avec des armes modernes, celles qui appartiennent à toutes les nations civilisées dans les pays où elles ont apporté leur propre civilisation, et où elles en ont assuré les garanties à tout le monde. L’Italie aurait combattu avec les armes les plus démodées, au nom de vieux traités cent fois périmés, au nom des capitulations qui, n’ayant plus de raison d’être, ne pouvaient plus, en tout état de cause, être maintenues bien longtemps. Le résultat d’une pareille lutte n’aurait pas été douteux ; mais la lutte elle-même aurait été malfaisante, et les deux gouvernemens devaient faire tout ce qui dépendait d’eux pour la prévenir. C’est ce qu’ils ont fait.

Il s’agissait de remplacer le traité italo-tunisien de 1868, dénoncé il y a un an, et arrivé à son expiration normale. A partir du 28 septembre dernier, il n’existait plus. L’Italie était bien obligée de le reconnaître ; mais M. Crispi, pendant qu’il était au pouvoir, avait fait entendre qu’à la place du traité de 1868, il saurait bien faire revivre ceux que la Tunisie avait contractés antérieurement envers divers États italiens, par exemple avec le grand-duc de Toscane ou le roi de Naples, oubliant volontairement que certains autres États, qui font partie de l’Italie unifiée,