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un trait de lumière tout nouveau. Au début, quelques journaux ont persisté, par habitude, à rallier notre crédulité et à s’amuser de nos illusions ; d’autres se sont livrés à des plaisanteries d’un goût plus ou moins aventureux, qui d’ailleurs dissimulaient mal une anxiété croissante ; mais presque aussitôt, devant l’éloquence des événemens qui se déroulaient, le ton général a changé. Il était impossible de contester non seulement le brillant succès des fêtes de Paris, mais la leçon politique qui s’en dégageait. Alors les journaux allemands et autrichiens, qui s’étaient efforcés d’être plaisans, sont devenus graves. Les plus importans d’entre eux, ceux qui comptent, bien que leur mauvaise humeur restât manifeste, en ont contenu l’expression avec assez de force sur eux-mêmes. Quelques-uns se sont demandé encore s’il y avait ou s’il n’y avait pas un traité écrit. La Gazette de Cologne a affirmé qu’il y en avait un, bien qu’elle n’en sache pas plus long que les autres à ce sujet ; mais tous ont avoué que la question avait perdu beaucoup de son importance en présence des manifestations si caractéristiques qui venaient de se produire. Le plus grand nombre se sont bientôt montrés rassurés sur la portée de l’alliance, puisqu’il fallait bien croire qu’elle existait sous une forme ou sous une autre, et il en est même un qui a très hardiment affirmé que l’alliance ne pouvait être dirigée que contre l’Angleterre, la seule puissance contre laquelle la Russie avait des intérêts personnels à défendre. Quant à supposer qu’elle ait pu être faite aussi en vue des intérêts français, c’est ce que les Nouvelles de Hambourg ne sauraient admettre. Les Nouvelles de Hambourg ne sont pas le premier journal venu. Le prince de Bismarck passe pour en être l’inspirateur, et on reconnaît, en effet, assez souvent dans ses articles l’esprit caustique de l’ancien chancelier. Du fond de sa retraite, le vieil homme d’État, ne pouvant plus diriger les affaires, cherche encore à diriger l’opinion. Il n’a rien perdu de son adresse à lancer des insinuations perfides, bien que ces insinuations n’atteignent plus leur but aussi sûrement. Cette fois, il cherche moins à rassurer l’Allemagne qu’à inquiéter l’Angleterre, en montrant que, dans ces derniers temps, l’action de la France et de la Russie s’est le plus souvent exercée contre celle-ci. Il travaille à nous inspirer à nous-mêmes des inquiétudes sur les avantages que nous pouvons retirer de l’alliance, en montrant que la Russie seule en a profité jusqu’à ce jour, et en affirmant que seule elle en profitera dans l’avenir. Il se tourne également du côté de l’Italie, le pays du monde qu’il a su le mieux manier, tantôt en mettant en jeu ses susceptibilités, tantôt en flattant ses intérêts sans aller toutefois jamais jusqu’à les satisfaire. A la veille même du voyage du tsar en France, les Nouvelles de Hambourg ont publié sur le récent arrangement italo-tunisien, un article dans lequel on lit : « Ce n’est pas le rôle de l’Allemagne de saluer une entente quelconque entre la France et l’Italie. Plus les relations entre ces deux puissances seront