Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/902

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lirons volontiers leurs petites drôleries. Mais c’est d’une autre manière que la question se pose. « Ni la contradiction, a dit Pascal, n’est marque infaillible d’erreur, ni l’incontradiction ne l’est de vérité. » Les métaphysiciens en ont longtemps douté ; quelques savans en doutent peut-être encore, qui ne connaissent de la science que la « spécialité » dans laquelle ils ont comme emprisonné leur liberté d’esprit ; mais la parole de Pascal n’en a pas moins toute sa valeur ; et, même l’autorité s’en est accrue de la vanité des efforts qu’on a faits depuis lors pour essayer de l’ébranler. C’est pourquoi, les contradictions qu’on s’attache à relever entre la science et la religion fussent-elles prouvées, et plus profondes et plus éclatantes encore qu’on ne le dit, il n’en résulterait pour nous qu’une conséquence, qui est que nous sommes capables de plus de connaissances que nous n’en pouvons unifier. Qu’y a-t-il de plus humain ? Nous avons une tendance invincible à l’unité et une insurmontable incapacité d’y atteindre ! Mais ce qu’il s’agit aujourd’hui de savoir, c’est : — physiquement, ou physiologiquement, pour ainsi parler, si le besoin de croire, comme le besoin de connaître, fait en quelque sorte partie de la définition de l’homme ; c’est, — historiquement, si l’évolution sociale est inconcevable sans une part d’irrationnel qui s’y mêle, qui la dirige peut-être ; et c’est encore, — moralement, de savoir s’il est possible de formuler une règle de la conduite humaine qui ne tire pas de l’absolu son origine et sa sanction. Et que signifie cette manière de poser la question ? Elle signifie qu’avant tout la « question religieuse » est une « question sociale ». C’est ce que ne comprenait pas Renan, quand il exprimait l’espérance que « les croyances religieuses disparaîtraient lentement, minées par l’instruction primaire et par la prédominance de la science sur la littérature dans l’éducation. » C’est ce que ne comprenait pas davantage le professeur Huxley, quand il écrivait : « Si la méthode scientifique opérant dans le domaine de l’histoire, de la philologie, de l’archéologie est devenue formidable pour le théologien dogmatique, que ne peut-on pas dire de la méthode scientifique opérant dans le domaine de la science physique ? » Si leur point de vue ne nous est pas devenu tout à fait indifférent, il nous est devenu secondaire. Et c’est ce que les lecteurs de M. Balfour apprendront d’abord dans son livre.

Si maintenant nous nous demandons comment s’est opérée la transformation, le livre de M. Balfour peut encore nous l’apprendre. Une psychologie superficielle avait érigé la certitude « scientifique » ou « rationnelle », — car c’est ici tout un, — en modèle ou en type absolu de la certitude ; et, ne voyant de source