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le mètre. A la fin du XVIe siècle il lui en eût coûté 2 fr. 40 et les ouvriers pourtant gagnaient un tiers moins de salaire.

La façon d’un kilogramme de chandelles se payait 0 fr. 45 au moyen âge et 0 fr. 25 en moyenne aux deux derniers siècles. Le sciage du bois à brûler qui se payait au XVe siècle 2 francs par stère, un peu plus cher qu’aujourd’hui, coûtait 1 fr. 50 sous François Ier et seulement 0 fr. 75 sous Louis XV. La maçonnerie en moellons, qui pour des murs communs de 50 à 60 centimètres de large, se fait maintenant à la tâche, dans nos campagnes, à raison de 2 fr. 50 le mètre carré, se payait à peu près le même prix au moyen âge. Sous Henri IV et Louis XIII elle valait 1 fr. 75, et au moment de la Révolution elle était descendue à 1 fr. 20. Pour les maisons de Paris, en 1708, on payait 1 fr. 15 le mètre les murs de refend, et 2 francs les gros murs. Murs communs, cela va sans dire, et sans aucun ornement artistique. La maçonnerie du Louvre et celle des Tuileries, dont Louis XIV payait le mètre superficiel, y compris la fourniture des pierres de taille, 56 francs à l’entrepreneur, réservait sans doute aux maçons et aux sculpteurs un salaire qui ne peut se comparer à celui des bâtisses ordinaires.

Prises dans leur ensemble, les sommes payées pour les travaux à la tâche confirment ce que nous avait appris la statistique des salaires à la journée. L’ouvrier, qui avec deux cent cinquante jours de labeur avait eu, à la fin du XVe siècle, jusqu’à 1 230 francs ; qui, de 1 200 à 1 600, s’était fait en moyenne 900 francs par an, et qui n’était jamais descendu si bas que sous Henri III, où il ne touchait plus que 750 francs, tombe sous Richelieu et Mazarin à 562 francs, et à moins encore à la fin du XVIIe siècle. Après s’être relevée sous la Régence et le ministère de Fleury, sa paie annuelle n’était, à la fin de l’ancien régime, que de 576 francs. Or il gagne aujourd’hui, avec trois cents jours de travail, 1 020 francs, c’est-à-dire 77 pour 100 de plus qu’il y a cent ans. C’est là le bienfait positif du progrès.

Mais ce progrès comment est-il advenu ? Avec des chiffres lentement amassés, traduits, groupés, pressés enfin comme des fruits dont il faut extraire le suc, nous avons essayé, dans cet article et dans le précédent, de faire l’histoire, — bien aride, — des recettes paysannes et ouvrières, de voir les écus entrer dans la poche du travailleur. Il faudrait aussi les en voir sortir, apprécier quels besoins ils permettaient de satisfaire, pour connaître les deux faces de ces humbles budgets. C’est ce que nous tenterons plus tard. Dès à présent nous constatons qu’il n’existe aucune concordance entre la situation politique et la situation économique, entre la prospérité du pays, abstraitement considérée, et l’aisance de la