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baptiser leurs enfans, on les inscrivait dans la partie du registre réservée aux enfans naturels. D’autres métiers au contraire, naguère fort estimés, ont disparu : tels étaient ces écrivains publics, établis à Paris sous les charniers des Innocens et autour des piliers des Halles, qui vendaient, à la fin du ministère de Mazarin, à qui ne savait pas écrire, une « lettre de haut style » de 1 fr. 60 à 3 fr. 40, et une « lettre de bas style » 90 centimes ou 1 fr. 20. Profession lucrative que le développement de l’instruction a privée de sa clientèle. Les progrès de la science ont, par compensation, relevé la catégorie des « apothicaires-épiciers », auxquels leurs « notes » avaient fait quelque tort dans l’histoire. Non que les confrères de M. Fleurant fussent incapables parfois d’observer, au péril de leur vie, les règlemens qui les concernaient, — un apothicaire d’Amiens reçoit en 1615 trois coups de poignard d’un soldat de la citadelle, auquel il avait, suivant les lois, refusé de l’arsenic, — mais ils étaient, plus que de raison, enclins à la grandeur, et leur morgue les rendait haïssables.

La longueur de l’apprentissage est une condition commune à beaucoup de labeurs manuels des siècles passés. Il dure jusqu’à cinq ans pour les fourbisseurs, jusqu’à six ans pour les tapissiers. C’était une charge, qui constituait pour l’ouvrier une diminution de salaire sur l’ensemble de sa vie de travail ; en revanche c’était une recette pour le maître ; ce qui eût compensé plus tard son caractère onéreux, si tous les apprentis étaient devenus patrons. Comme beaucoup demeuraient simples compagnons, il semble à première vue que leur situation ait été moins avantageuse que de nos jours. En outre le contrat qui intervenait, par-devant notaire, entre les parens de l’apprenti et le maître est plus rigoureux qu’aujourd’hui. Il suspendait en quelque sorte, au profit du patron, la puissance paternelle.

Dans ces contrats que les admirateurs du système patriarcal ont représentés comme si bienfaisans, il était stipulé que l’apprenti, s’il tombe malade, doit payer le médecin et le pharmacien, et, « si sa maladie dure au-delà d’une semaine », restituer au patron le temps de son séjour au lit. L’apprenti adulte est tenu de monter les gardes de nuit à la place de son maître. Tel arrangement prévoit qu’il en sera dispensé en décembre et janvier, par extraordinaire. A prendre ces actes au pied de la lettre, quoique le maître s’engage à envoyer tous les jours son apprenti à la messe, ce qui témoigne de la sollicitude pour son âme, la discipline qu’il impose est si sévère, les droits qu’il se réserve si étendus, que le futur compagnon paraît moins un serviteur, qu’une sorte d’esclave, vendu pour une période déterminée.

La durée, aussi bien que la rigueur de l’apprentissage,