Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/838

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mule », ce que nous appelons « faire danser l’anse du panier », — un magot annuel de 444 francs. Je n’entreprendrai pas de suivre dans ses calculs mon prédécesseur en statistique ouvrière. On a vu le sentiment de nos aïeux sur les vertus et la moralité prétendue des domestiques d’autrefois ; il est seulement probable que le tiers état du XVIIe siècle savait défendre sa bourse et que le chiffre présumé de ces bénéfices est de pure fantaisie. Pour le comparer au bénéfice actuel, il faudrait connaître le produit du « grattage » ou « coulage » analogue dans un petit budget parisien, et qui pourrait le dire ?

A parler sérieusement, à considérer les gages payés par les maîtres, citadins ou ruraux, — les uns et les autres sont ici confondus, — on remarque que, selon la capacité et la province, les chiffres varient de 168 francs pour la bonne du curé de Brétigny, de 204 francs pour une « fille de chambre » entendue, de 180 francs pour une « maîtresse-servante » de ferme en Artois, jusqu’à 85 francs pour la servante d’un bourgeois de Chartres et même jusqu’à 42 francs pour celle d’un notaire des Deux-Sèvres. Au moment de la Révolution, la rétribution allait de 40 francs à 120 pour les femmes dans la force de l’âge, sans spécialité déterminée. Pour les nourrices, elles varient de 200 francs à 60 ; l’hospice des Enfans-Trouvés, à Paris, paie les siennes 175 francs sous Louis XV ; des particuliers, en Périgord, ne leur donnent que 70 francs ; mais il est possible que les conditions diffèrent et que les unes soient nourries, tandis que les autres ne le sont pas.

Comme les salariés du sexe masculin, les journalières et les servantes du siècle dernier avaient été dépossédées de leurs gains du moyen âge : au lieu de 420 francs au XIVe siècle, de 525 francs au XVe pour 250 jours de travail, les femmes d’il y a cent ans ne recevaient plus que 250 francs. Quant aux domestiques féminins, au lieu de la moitié, elles n’avaient perdu que le quart de leurs gages, elles avaient donc moins souffert que les travailleuses à la journée du mouvement de la civilisation. Comparés au contraire à ceux de 1790, les chiffres actuels accusent une hausse énorme. De 250 francs sous Louis XVI la rémunération des journalières est passée à 450 francs. De 84 francs, à la même époque, les gages des domestiques femmes se sont élevés à 210 francs pour les filles de ferme, à 300 francs pour les servantes d’intérieur. Plus favorisées encore que les précédentes, celles-ci sont par conséquent deux fois et demie plus riches qu’elles n’étaient précédemment.

Les prix payés, autrefois et aujourd’hui, pour les travaux exécutés à la tache confirment les appréciations fondées sur les