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Parmi les personnes incriminées était un fonctionnaire, — un « officier » en langage du temps : — Talon faisait, à son égard, une distinction et proposait d’être plus rigoureux pour lui que pour les villageois : « Il ne faut mêler, dit-il, la cause des pauvres avec la sienne… » ; ce qui montre quelle part avait alors, dans l’interprétation du droit d’usage, l’idée de charité, d’assistance, qui, au moyen âge, n’y apparaissait nullement.

Désormais ce n’est plus, comme aux périodes antérieures, par des chartes de concession, par des transactions et des accords assez bénévoles en somme, quoique au XVIe siècle les tiraillemens eussent commencé, que ces droits d’usage et de pâture vont se révéler à nous ; c’est toujours et uniformément par des procès. Procès copieux, touffus et éternels. L’évêque de Dijon, qui plaide en 1640 contre ses vassaux de Saint-Seine, et qui qualifie leur cause de « méchante et déplorée », s’étonne qu’ils puissent trouver « un procureur assez processif pour occuper depuis trente ans contre un évêque. » Les habitans de Foiseul paient de temps immémorial quelques litres d’avoine et 2 sous par an et par feu, pour prendre du bois dans la forêt de ce nom. « Ils abusent, dit-on, étrangement de leur droit » : c’est du moins ce qu’on s : avise de leur reprocher, en 1665, car il est probable qu’auparavant ils en faisaient autant. On prétend qu’ils ont coupé en six ans un canton de bois suffisant pour quinze années. Un arrêt du parlement ordonna de leur livrer 252 hectares, qui devront leur suffire pour vingt-quatre ans. Ils ne s’en contentèrent pas, puisque le procès ne finit qu’au bout de cent quinze ans, et encore parce que « Sa Majesté leur fit défense de plaider davantage » (1778).

Les communautés déploient en effet une ténacité admirable pour le maintien de leurs prérogatives : les gens de Granselve assignent devant le parlement de Toulouse le cardinal de la Valette, pour l’obliger à « remettre en haute futaie certains terroirs » qui lui appartiennent ; « avec faculté pour eux d’y faire paître leur bétail et y couper le bois nécessaire pour leur chauffage et leurs constructions. » Leur entêtement à conserver le statu quo ne témoigne pas toujours d’une grande intelligence de leurs intérêts ; il leur fait respecter jusqu’aux ronces et entretenir jusqu’aux bruyères. Les paroisses voisines de Chinon protestent contre le défrichement de 365 arpens de bois, que l’on veut convertir en pré (1625), alléguant « qu’elles n’auront plus d’épines pour chauffer leurs fours. » On finit par défricher malgré leur opposition. Pour se venger, elles couvrent de 500 à 600 têtes de bétail les prairies nouvelles avant que l’herbe ne soit coupée et enlevée. C’est le point de départ d’un nouveau procès. Là même où personne