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PAYSANS ET OUVRIERS
DEPUIS SEPT SIÈCLES

II.[1]
LES SALAIRES AUX TEMPS MODERNES

Dépossédé au XVIe siècle, par la crue de la population, du bien-être matériel dont il avait joui au moyen âge, le paysan français ne le recouvrera plus que de nos jours. De 1601 à 1790, il traversera de bonnes et de mauvaises périodes, il sera plus ou moins à son aise, puisque le salaire annuel du manœuvre, pour 250 journées de travail, évalué en monnaie actuelle d’après le prix de la vie, oscillera de 570 francs sous Henri IV à 410 francs sous Louis XVI, — il est aujourd’hui de 750 francs pour 300 journées de labeur, — mais il ne reverra plus ces rétributions de 870 et 900 francs par an qu’il avait eues sous Louis XI et Charles VIII, ni même ces 650 à 750 francs qu’il gagnait tout au long des XIVe et XVe siècles et qu’on lui allouait encore jusqu’à Henri II (1550). Le plus curieux est que, bien loin de profiter des progrès de l’agriculture, de la plus-value des terres, cette plus-value même et ce progrès semblent tourner à sa ruine, et qu’il est plus malheureux, à la fin de l’ancien régime, qu’il ne l’était durant la première moitié du règne de Louis XV ou au début de celui de Louis XIV.

  1. Voyez la Revue du 1er octobre.