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tri-unitaire, ils sont au contraire assez compacts pour inspirer de la crainte à la minorité du rite grec. A entendre les Serbes, — dont le clergé, certes, n’est pas exempt d’intolérance et de passions, — deux faits considérables, dans la seconde moitié de ce siècle, ont ouvert à la propagande catholique la porte des Balkans, et menacé, par conséquent, un domaine réservé, suivant eux, à la seule orthodoxie. La guerre de Crimée fit prédominer l’influence française à Constantinople, et, sous notre drapeau, un courant de missions et d’œuvres catholiques s’établit dans la péninsule. Dans ce courant, affirment-ils, sans d’ailleurs trop préciser, s’insinua naturellement, à la voix de Rome, le clergé croate. La guerre de 1870 a bien rendu l’hégémonie, dans ces régions, au peuple russe, c’est-à-dire au rite grec ; mais le catholicisme n’aurait fait que changer d’auxiliaire politique ; il pénètre à présent dans le même domaine, sous le couvert de l’Autriche, que le Congrès de Berlin y a brusquement implantée. — Voilà les voies si redoutées de la « latinisation ». On verra plus tard combien les Serbes en exagèrent la largeur.

Il faut convenir cependant que, sous ces influences extérieures, ou plutôt par un simple effet d’atavisme professionnel, le clergé catholique, — à l’exception de Mgr Strossmaier et de quelques esprits supérieurs, — a manqué maintes fois de cette mesure à laquelle nos vieilles sociétés le rappellent si rudement. Après la chute du ministère Bach, il n’a pas eu la main maternelle, autour du berceau de cette idée nationale, qui sortait de l’absolutisme frôle et presque bégayante. En Dalmatie surtout, terre couverte d’évêchés et de couvens, que sa priorité de conversion au catholicisme, la longue domination de Venise, et un large dépôt de mœurs d’outre-mer semblent avoir fertilisée en vue d’influences « cléricales », il se jeta avec ardeur dans la politique et découvrit des précisions malencontreuses. Le point de départ de ce mouvement était l’idée illyrique, le jugo-slavisme de Jellacic et de Strossmaier, dont la pointe, tournée contre l’étranger quel qu’il fût, avait à expulser, dans cette province, le parti dit autonome ou italien. Au début, la minorité slave de la Diète dalmate, brillante, énergique, et qui va, en moins de dix ans, conquérir la majorité, se tient à cette idée ou plutôt à ce sentiment fondamental. Prêtres et laïcs, catholiques et orthodoxes en soignent la croissance avec une sorte de tendresse, la préservent des souffles particularisas, qu’ils viennent de la religion ou de l’histoire. Elle a un organe, le Narodni list, dont le rédacteur en chef, le professeur Nodilo, évite soigneusement d’employer et même a reçu l’ordre de biffer le mot Hrvatska (Croatie), auquel il