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passant, possession de ces provinces avant de mettre la main sur le royaume des Deux-Siciles, voulant de la sorte réunir en un seul tout les diverses parties de l’Italie ; à l’exception de celles qui étaient occupées par des forces étrangères : Rome, qui était gardée par des troupes françaises, et la Vénétie, qu’il ne pouvait reprendre aux Autrichiens. En franchissant la frontière pontificale, les Piémontais, commandés par le général Cialdini, se heurtèrent au général Lamoricière et l’Europe assista à la journée de Castelfidardo où le nombre eut raison de la vaillance. A l’emploi des armes succéda aussitôt l’emploi des plébiscites, et comme celles du centre, les populations des nouveaux territoires dont on dépouillait le Saint-Siège votèrent la réunion au Piémont. Ce premier succès, prévu et désiré à Turin, fut donc rapidement obtenu, et le corps du général Cialdini pénétra dans le royaume de Naples. Pour détourner les redoutables complications qui pouvaient surgir d’une situation à la fois compliquée et alarmante, on jugea à Turin que le roi devait, en cette occasion, donner de sa personne ; il vint se mettre à la tête de ses groupes ; la résolution était habile, digne du ministre qui l’avait suggérée, digne du prince qui l’avait agréée. L’effet en fut immédiat ; mis en présence du souverain, Garibaldi abdiqua entre ses mains ; il se retira à Caprera. L’unité était consommée ; et bientôt un parlement, nouvellement élu et comprenant les représentans de toutes les provinces réunies, devait proclamer Victor-Emmanuel roi d’Italie.


IX

Le comte de Cavour n’était pas encore sorti de ces graves difficultés et déjà il en surgissait une nouvelle qu’il avait toujours redouté d’aborder. L’esprit provincial n’avait pas abdiqué devant l’élan patriotique qui avait envahi l’Italie entière. A Milan, à Florence, à Naples, on ne s’inclinait pas aisément devant la prépondérance de Turin. En cessant d’être Lombards, Toscans, Napolitains, les hommes du parti national ne se souciaient pas de devenir des Piémontais, et ils se demandaient quelle serait désormais la capitale du Royaume. Une seule ville pouvait faire taire ou concilier toutes ces rivalités. La question de Rome naquit ainsi de la constitution même de toutes les contrées en un État unique. Les groupes révolutionnaires l’avaient posée et résolue de tout temps : le siège du gouvernement italien, selon eux, devait être établi au Quirinal. Les esprits plus sensés les véritables initiateurs de l’émancipation de l’Italie, le comte de Cavour et tous ses collaborateurs, n’envisageaient les choses ni de si haut ni de si loin. Ne se payant pas de chimères, ils s’étaient tracé un