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d’une puissance étrangère. Sur ce point encore il différait avec le roi Charles-Albert ; il ne pensait pas, comme ce prince, 1e prétendait, que l’Italie pût se faire d’elle-même. Aussi combattit-il énergiquement la politique du nouveau cabinet qui renouvela, en 1849, la malheureuse aventure entreprise l’année précédente. L’événement justifia ses prévisions ; l’armée fut de nouveau vaincue, et cette fois à Novare dans une première rencontre. Le roi abdiqua ; il se retira en Portugal où il mourut en martyr. En succédant à son père, Victor-Emmanuel confia le pouvoir à des hommes d’un libéralisme notoire. Il appela dans ses conseils Gioberti auquel se réunit bientôt d’Azeglio, qui prit la présidence du cabinet ; l’année suivante, le 11 octobre 1850, le nouveau ministère s’adjoignit Camille de Cavour qui, intervenant dans tout débat important de la Chambre, y avait conquis le rang dû à son talent et à l’étendue de ses connaissances variées. Quand la proposition en fut faite au souverain par tous les ministres réunis : « Pour moi, répondit Victor-Emmanuel, qui déjà appréciait ses rares qualités, je veux bien, mais soyez certain qu’il vous prendra tous vos portefeuilles. » Cette prédiction s’est réalisée, en ce sens que nous verrons Cavour diriger, au moment suprême, tous les départemens ministériels à la fois. En entrant au conseil, il eut en partage le ministère du commerce et de l’agriculture, auquel était joint celui de la marine. La spécialité de ses attributions se trouva en parfaite concordance avec ses études et ses travaux antérieurs ; ses fonctions le plaçaient sur son véritable terrain ; pour les remplir, il ne fut pas tenu de se livrer à une préparation, si nécessaire la plupart du temps en pareil cas et en tout pays. Nous avons dit quelles étaient ses doctrines en matière économique ; il en fit la règle de sa conduite et de ses résolutions. On le savait d’humeur à décliner toute transaction ; et ses collègues, quelle que fût leur opinion personnelle, s’abstinrent de toute tentative pour le faire dévier de sa manière de servir et de défendre les intérêts qui lui étaient confiés. Dans sa pensée, Cavour avait toujours tout rapporté à un principe unique : la liberté ; et il était fermement résolu à en faire la plus large application au commerce et à l’agriculture comme à la politique. Selon lui, comme il l’a souvent affirmé dans ses discours, la liberté devait être le puissant levier de la régénération et de l’affranchissement de l’Italie ; cette conviction ne s’est jamais démentie ; ni les mécomptes, ni les résistances ne l’ont ébranlée dans son esprit. Il a invariablement soutenu d’une part, que l’abolition de toutes les entraves donnerait un vigoureux essor à la production nationale, de l’autre, que la libre discussion, par la presse et à la tribune, ferait vibrer le