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Nous avons rapporté cet incident parce qu’il nous montre Cavour trouvant, même dans sa défaite électorale, l’occasion d’affirmer sa foi dans ses principes politiques. L’homme qui avait si hautement revendiqué les nouvelles franchises ne pouvait être longtemps méconnu par le corps électoral. Battu dans deux collèges aux élections générales, il fut élu dans quatre aux élections supplémentaires ; il opta pour Turin, sa ville natale, dont il n’a plus cessé d’être l’un des représentans. En entrant au Parlement, il prit place dans les rangs de la droite, marquant ainsi sa ferme volonté de concilier ses opinions avec le principe monarchique, de répudier surtout toute compromission avec le parti révolutionnaire.


IV

Nous avons vu M. de Bismarck apparaître, cette même année 1848, sur la scène parlementaire, y apporter ses opinions absolutistes et les défendre avec une véhémence que rien ne maîtrisait, Les deux hommes qui font l’objet de cette étude débutaient ainsi simultanément, avec des sentimens contraires : l’un, apologiste ardent, l’autre, adversaire passionné du système libéral. À cette époque, ils différaient sur un autre point : Cavour considérait la présence de l’Autriche en Italie comme le principal obstacle à son émancipation et la combattait dans la presse et au Parlement. M. de Bismarck estimait, au contraire, que le premier besoin de la Prusse lui commandait de rester étroitement unie à l’Autriche pour leur défense commune.

Ce dissentiment ne fut pas de longue durée. Le roi, avons-nous dit, « reconnaissant en M. de Bismarck un œuf d’où pouvait sortir un ministre », lui avait confié le soin de le représenter auprès de l’assemblée fédérale. Mais en arrivant à Francfort, en entrant à la Diète, le nouveau délégué de la Prusse vit s’ouvrir devant lui d’autres horizons. Il avait à peine pris possession de son poste qu’il avait compris à quel degré d’abaissement, à quel servage, l’union des deux grandes puissances germaniques avait réduit la Prusse, sous l’empire d’une constitution qui conférait à l’Autriche une prépondérance exclusive devant laquelle tous les États associés étaient contraints de s’incliner. Son âme de junker poméranien se révolta, et il brisa, d’une main brutale, les dieux qu’il avait adorés ; il répudia hautement la politique qu’il avait servie avec une si violente passion en prenant rang dans l’assemblée prussienne. Il n’abdiqua aucune de ses doctrines gouvernementales ; il resta, à cet égard et il n’a jamais cessé d’être le Prussien de ses premiers combats ; mais il se promit de détruire le pacte