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parfaite. De même, dans ses compositions à quatre mains, Mozart ne profite des perfectionnemens apportés à la fabrication du piano et de l’agrandissement du clavier que pour donner plus d’ampleur à ce genre de production et pour en faire mieux valoir les ressources expressives. Ses trios, ses quatuors et ses quintettes nous montrent la richesse croissante de ses combinaisons toujours subordonnée au développement thématique et au charme du chant qui s’exhale de l’ensemble. Aussi les contemporains étaient-ils déroutés par cette profusion d’idées qui chez lui ne laissait aucune place aux ritournelles consacrées, et l’on connaît le propos de Joseph II qui trouvait « cette musique trop belle pour les oreilles des Viennois. » Si limpide, si facile à comprendre qu’elle nous semble aujourd’hui, il n’y avait alors qu’une élite capable de saisir le lien délicat qui rattachait entre elles tant de pensées jaillissant spontanément de l’esprit du maître, comme d’une source pure et généreuse.

Pour la symphonie, dans son travail de composition, Mozart part du quatuor et, sur ce fond préparé pour le recevoir, l’éclatant coloris de sa palette musicale brille avec un charme et une fraîcheur inexprimables. A peine âgé de huit ans, il écrit à Londres sa première symphonie, et à la fin de sa dix-huitième année il n’en avait pas composé moins de vingt-deux. Mais loin d’avoir compris à ses débuts les ressources de ce genre de musique, il n’y attachait pas d’abord grande importance. Obligé, pour vivre, de tirer parti de tout ce qu’il faisait, il reprend pour les intercaler dans ces œuvres hâtives tantôt un morceau extrait d’un duo, tantôt l’ouverture d’un de ses opéras. Il adopte d’ailleurs la coupe consacrée par ses devanciers et la composition de leur orchestre. Pendant quatre années même, de 1774 à 1778, il n’écrit plus guère, en fait de musique d’orchestre, que des pièces assez courtes et d’un caractère moins sérieux. Mais à Paris, profitant des élémens plus nombreux qu’il a sous la main, il renforce le nombre des parties et les porte à dix-sept dans la symphonie qui lui est commandée par Legros pour le Concert spirituel, tandis que, dans celle qu’il écrit ensuite pour l’Allemagne, la partition composée ne présente plus que dix parties seulement. Peu à peu cependant, devenu maître dans le maniement de l’orchestre, il revient à cette forme musicale, et, suivant les exemples de Haydn, il y introduit le menuet. Dans les trois symphonies composées en moins de trois mois pendant l’année 1788, l’instrumentation a acquis une souplesse merveilleuse : elle s’adapte, en les colorant, à toutes les transformations de la pensée du maître. Le style est plus large, plus libre et les sonorités plus généreuses sont toujours choisies