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raison du nombre et de la diversité de ces danses, gigues, gavottes, menuets, bourrées, passacailles, sarabandes, etc., ils devaient s’adapter à des mouvemens très différens, cette obligation contribuait peu à peu à donner plus de souplesse aux rythmes de la musique instrumentale. Mais le Concerto allait devenir pour celle-ci la cause de progrès plus décisifs. De tout temps les virtuoses ont été jaloux de faire parade de leur habileté, d’étonner le public par des fioritures et des traits qui leur semblent propres à manifester la supériorité de leur jeu. Trop souvent, il est vrai, l’art est médiocrement intéressé à ces périlleux exercices dans lesquels les tours de force extra-musicaux s’étalent un peu trop complaisamment. Mais si, à ce titre, le genre est secondaire puisqu’il vise à substituer la difficulté à l’expression, on ne saurait nier l’influence considérable et salutaire qu’il a exercée historiquement. Ce n’est qu’au prix de tâtonnemens réitérés qu’un art parvient à reconnaître son domaine propre, qu’il en prend possession et se résigne à se renfermer dans ses limites. Rarement, au début, il sait ce que vaut la simplicité. Il faut qu’il ait auparavant poussé des recherches en bien des sons pour revenir à elle et en sentir tout le prix. Aussi, malgré les excès qu’il a pu entraîner à sa suite, le Concerto a-t-il très utilement servi au développement de la musique. Les artistes qui voulaient y exceller devaient, en effet, par une étude suivie, découvrir les ressources spéciales de leur instrument, créer les méthodes les plus favorables pour se les approprier, et plus d’une fois, même, aider, par leurs conseils ou leurs découvertes, aux perfectionnemens matériels qu’il importait de réaliser dans la fabrication de ces instrumens. L’orchestre lui-même d’ailleurs, bien que dans le Concerto il s’appliquât surtout à faire briller le soliste, ne se bornait pas toujours à le soutenir par ses accompagnemens discrets et à préparer ses rentrées. En lui donnant la réponse, en entamant avec lui un dialogue, en le suppléant même dans les courts instans de répit qu’il est nécessaire de lui ménager, cet orchestre s’acheminait peu à peu vers le rôle plus important qui lui était réservé.

C’est en Italie, au pays de la virtuosité, que le Concerto devait naître et trouver tout d’abord ses interprètes les plus réputés. Depuis longtemps déjà les chanteurs italiens étaient célèbres, exercés dans leur art, rompus à toutes les difficultés d’exécution que pouvaient exiger d’eux les compositeurs. Cette culture et ces goûts, si conformes du reste aux instincts mélodiques de la race, expliquent la prédilection que de bonne heure on rencontre en Italie pour l’instrument qui, en se rapprochant le plus de la voix