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plaçant dans un cadre factice, nous les laisserons ici sous leur véritable jour et dans les conditions mêmes de la réalité. Peut-être saisirons-nous mieux alors l’opportunité de règles qui, autrefois adoptées et consacrées par les maîtres, sont aujourd’hui discutées ou niées parce qu’on méconnaît leur convenance et les raisons qui les avaient fait établir. Dans cette rapide revue où nous devons nous borner aux grands traits, nous prendrons souvent pour guide un ouvrage dont la publication vient d’être récemment terminée. Nous voulons parler de cette Histoire de la Musique d’Ambros, qui, après avoir joui en Allemagne d’un légitime succès, a été en ces derniers temps remaniée de manière à former en réalité un livre nouveau, grâce à l’importance des additions et des corrections par lesquelles M. Langhans l’a complétée. C’est là un de ces répertoires pleins de faits et de documens positifs, tels que nos voisins en possèdent sur tous les arts, supérieur même à ceux qu’ils ont publiés sur les arts du dessin, puisque la musique est en quelque sorte leur art national. Nous n’avons chez nous rien de comparable à ce travail d’ensemble où se trouvent consignés tous les résultats acquis par la critique et qu’il faudrait rechercher épars dans des études ou des monographies innombrables. Pour le sujet qui nous occupe spécialement, ceux de nos lecteurs qu’il intéresse trouveront également profit à consulter l’Histoire de la Symphonie à orchestre de M. Michel Brenet, un opuscule modeste, mais excellent, couronné en 1881 par la Société des compositeurs de musique. Au lieu des théories ambitieuses, ils y trouveront non seulement l’exposé historique qui leur est promis par le titre, mais, sous une forme discrète, une appréciation raisonnée des principales œuvres des maîtres, dictée toujours par un sentiment très délicat et très sûr de ce qui fait leur véritable beauté.


I

L’origine de la symphonie est très lointaine ; mais, comme la plupart des créations esthétiques de l’homme, elle a eu de bien humbles commencemens, et ce n’est qu’après une suite prolongée de transformations qu’elle a pu atteindre son complet développement. Le terme même de symphonie a beaucoup varié dans sa signification. Chez les anciens comme au moyen âge et jusqu’au siècle dernier il a été employé avec des acceptions très différentes pour exprimer tantôt le concert de plusieurs instrumens, tantôt des mélodies reproduites à l’unisson ou à l’octave par des instrumens ou par des voix. Vers la fin du XVIe siècle, on s’en