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construit des chemins de fer et procédé à l’extraction du phosphate. Les premières s’y ruinèrent ; colles qui les imitèrent couraient le risque de se ruiner comme leurs devancières. Eclairées par l’expérience, elles sont en voie de s’enrichir. Puis, ces galeries qu’elles ouvraient, nul n’en ignorait ; ces voies ferrées qu’elles construisaient, et dont une, celle du Kouif, mesure vingt-six kilomètres, elles les construisaient avec l’autorisation formelle et le concours des agens de l’administration, les terrains à exproprier pour les constructions appartenant, en partie, à l’État. L’extraction à laquelle elles se livraient et qui employait près de 800 ouvriers était contrôlée et vérifiée par les agens de l’État, transportée par la compagnie de Bône-Guelma au port de Bône, et de là en Europe. Tout cela se faisait ouvertement, au grand jour et depuis plus de deux ans.

Si, comme leurs devancières, ces deux compagnies anglaises s’étaient ruinées, il n’en eût été que cela. Nul, à coup sûr, ne leur fût venu en aide, et elles n’avaient nul recours contre les vendeurs, ni contre l’État qui avait octroyé les concessions. Sur la terre d’Afrique, on eût compté quelques ruines de plus, quelques autres millions engloutis, et la question de droit et de moralité publique n’eût certainement pas même été soulevée. Heureusement pour l’Algérie il en a été autrement. L’expérience faite par ces compagnies, à leurs risques et périls, prouve que l’exploitation est lucrative, que la colonie possède une source considérable de richesses. Sur ce, les convoitises de s’éveiller, les réclamations de surgir, l’opinion publique de s’indigner. N’est-il pas un peu tard ? Non, répond-on, car les droits de l’État, non plus que ceux de l’honnêteté publique ne sauraient se prescrire ; et il y a ici de légitimes intérêts lésés. Que justice se fasse donc, mais, pour Dieu, que dans ce conflit de haines personnelles et de cupidités déçues, on ait quelque peu souci de l’Algérie, éprouvée par la prospérité, semble-t-il, autant que par l’adversité, toujours victime et toujours décriée, que l’on sacrifie au milieu de ce vacarme d’accusations diffamatoires et d’imputations outrageantes dont on l’a rendue responsable.


VI

Biskra. — Le Sahara. — Déployée en (une longue façade de 1 100 kilomètres sur la Méditerranée au nord, notre colonie africaine s’adosse, au sud, au Sahara. De chacune des capitales des trois provinces, une voie ferrée, amorce de futurs prolongemens, s’enfonce dans l’intérieur, aboutissant à l’un des seuils d’accès