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malades ou aux convalescens, aux estomacs affaiblis ou délicats, aux gens de toutes classes qui consomment ces produits, désireux d’en voir accroître les quantités et diminuer les prix. Concurrence, dira-t-on encore, aux produits du Midi ? Nullement, car l’exportation de l’Algérie cesse forcément dès que les produits similaires du Midi qui ont, pour atteindre Lyon et Paris, un moindre et moins onéreux parcours, entrent en ligne, et se limite alors aux fruits que le Midi ne cultive pas.

Il y a trois ans de cela, instruit par une expérience de quatorze années de séjour dans les pays tropicaux, je signalais ici même[1] les avantages que pouvait et devait donner l’introduction, dans l’alimentation générale, des bananes des Antilles ; je relatais l’initiative intelligente et la fortune rapide d’Antonio Gomez, de Baracoa, enrichi par l’exportation des bananes de Cuba à New-York, exportation qui se chiffre aujourd’hui par plus de cent millions de régimes de ce fruit savoureux et sain et qui emploie une flotte de plus de cent navires à vapeur spécialement aménagés pour leur transport. Depuis, l’importation s’en est étendue à la France où les bananes d’Algérie, comme celles des Antilles, trouvent un débouché. La consommation s’en accroît et la production pourrait centupler avec grand avantage pour la santé publique. Je signalais aussi les progrès si rapides du maraîchage dans le sud des États-Unis ; cette industrie rémunérait déjà un capital de 500 millions de francs. Sur une superficie de 90 000 hectares, elle faisait vivre une population ouvrière de 217 000 hommes, de 9 000 femmes et 15 000 enfans dont les salaires s’élevaient à 60 millions ; elle écoulait, sur les marchés des grandes villes du nord, pour 400 millions de produits, laissant aux producteurs un revenu net de 200 millions de francs. On est bien loin encore de pareils résultats en Algérie, mais qui affirmerait qu’on n’en puisse approcher ?

L’Europe est un bien autre consommateur que le nord et l’ouest des États-Unis et, pour se faire plus longtemps attendre, l’expansion du commerce des primeurs n’en est pas moins certaine pour qui sait observer et noter les progrès simultanés et soutenus que font en France les industries ayant pour but d’accroître le confort général. Nice, Cannes et Grasse en témoignent. Enrichie par la culture des fleurs, Grasse, d’abord rivale heureuse de Kazanlik, ne se borne pas à disputer à la cité « Reine des roses des Balkans », sa prééminence. Centre de la Provence fleurie, Grasse déroule sur les pentes du Roquevignon ses champs

  1. Voyez le Monde antilien dans la Revue du 1er septembre 1893.