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une rémunération identique à celle des maçons, 4 fr. 60 ; en 1451-1500, où les maçons avaient 5 francs, les peintres ont 5 fr. 60, et les charpentiers 6 francs. De 1501 à 1575, les charpentiers ont 4 francs, les peintres ont, ainsi que les maçons, 3 fr. 60. Enfin, de 1576 à 1600, ces divers ouvriers descendent presque uniformément à 2 fr. 80.

Comme ces moyennes, bien qu’issues d’un grand nombre de prix, ne peuvent être regardées que comme des indications utiles et non comme des résultats mathématiques, qu’il en faut par suite retenir uniquement les grandes lignes, on en peut conclure qu’il n’y a pas eu, depuis quatre, cinq et six cents ans, de changement dans l’appréciation sociale des services d’un couvreur, d’un peintre, d’un charpentier et que, malgré toutes les combinaisons féodales, malgré le morcellement des souverainetés et l’absence de communication des territoires, les besoins locaux avaient, pour se satisfaire, dosé et réparti d’eux-mêmes, sur chaque kilomètre carré, le nombre voulu de maçons, de charpentiers, de peintres et de couvreurs. Non certes que cette parité, cette proportion, soit immuable partout et toujours ; il se rencontre des charpentiers à 8 francs et des charpentiers à 2 fr. 50 ; il en est de même aujourd’hui, mais souvent les mieux rétribués travaillent dans des villages, les plus modestes dans des cités populeuses ; c’est la capacité de l’individu, la difficulté de l’ « œuvre de charpenterie » à entreprendre, qui déterminent la quotité du salaire et non le taux artificiel imposé par une corporation quelconque. Ainsi, en 1500, un charpentier de Romorantin est payé 5 fr. 16, le même prix qu’à Orléans, ce qui semble naturel vu la proximité des lieux ; en 1530, le charpentier d’Orléans gagne 3 fr. 20, et à Romorantin, un maître-charpentier est payé 7 fr. 60.

Les oscillations que nous venons de suivre ont été supportées par tous les autres salaires ouvriers. Leur énumération serait insupportable si nous voulions les faire passer, les uns après les autres, sous les yeux du lecteur. Aussi bien pourra-t-on juger de la tendance qu’eurent ces rétributions multiples à se rapprocher du rapport qu’elles observent entre elles au XIXe siècle, tellement les lois mystérieuses qui règlent les prix sont fortes et durables. Il faut toutefois prendre garde de classer aveuglément les ouvriers du moyen âge d’après leur nom, parce que la signification de ces noms n’est pas toujours la même. Elle a changé en six siècles comme celle des noms de facteur, de commis, de notaire, de domestique, de concierge, de sergent, de valet, d’écuyer, de physicien, et comme le sens, l’acception de mille mots de notre langue et de toutes les langues. En Artois (1299) un « maître-peintre » est payé 6 fr. 40, un simple peintre 4 fr. 80, un apprenti 2 francs