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même que celui du travailleur des champs, ce taux s’élève à la fin du XIVe siècle, sous l’influence de la dépopulation, à 4 fr. 16, et, dans la première moitié du XVe siècle à 4 fr. 60 ; enfin, en 1451-1475, à 5 fr. 20. Quoi de plus naturel qu’une hausse de la rétribution des ouvriers du bâtiment à l’heure où la France commença à respirer et à rebâtir ses maisons en ruines ? Quoi de plus probable ensuite qu’une multiplication du nombre de ces ouvriers, tentés par l’appât d’un gain exceptionnel et qu’une diminution de leur salaire provoquée par cette augmentation même de leur nombre ? Toutes les fois que l’on pourra discerner les causes des révolutions survenues dans le traitement des ouvriers en général, ou d’une catégorie d’ouvriers en particulier, on les trouvera purement mécaniques, pour ainsi dire, dominées par la force des choses, non par les artifices des intéressés.

On ne saurait nier qu’il y eut parfois pléthore et parfois disette dans tel ou tel corps d’état d’une ville ou de l’autre ; mais la faute n’en est pas imputable au régime des corporations, car les campagnes libres offraient souvent le spectacle d’une distribution aussi défectueuse, et aujourd’hui, sous l’empire d’une liberté absolue, cette accumulation d’un trop grand nombre d’hommes dans une même profession se rencontre encore : parmi nos 86 chefs-lieux de départemens, les uns possèdent, par 10 000 habitans, 7 boulangers, les autres en ont 15, d’autres 30 et jusqu’à 40. Et ces localités, si diversement partagées, ne sont distantes que de quelques lieues les unes des autres, et celles où le chiffre des boulangers est proportionnellement le plus haut ne sont pas celles où la consommation du pain, par tête, est la plus forte.

La paie moyenne de 5 fr. 20 par jour pour les maçons, en 1451-1475, comprend des salaires de 11 francs, pour un piqueur de pierre du Roussillon, et de 3 fr. 25 pour un compagnon de Limoges. Notons en passant que ce chiffre, le plus bas de l’époque, diffère peu de notre salaire contemporain, Paris excepté. La journée de ce Limousin était exactement la même que celle de son congénère saxon, à une date peu éloignée (1492). Le maçon anglais gagnait alors le même prix que le nôtre — 5 fr. 20 — * d’après les recherches de M. Thorold Rogers ; et les chiffres fournis pour l’empire germanique par le docteur Janssen nous apprennent que le maçon autrichien était payé 4 fr. 70.

Avec le XVIe siècle commence la baisse des salaires, pour les maçons comme pour les manœuvres. La journée était descendue à 4 fr. 80 à l’avènement de Louis XII ; elle se réduit à 4 francs sous François 1er et continue de s’avilir jusqu’à la mort de Charles IX, où elle n’était plus que de 2 fr. 85. Ainsi, quoique les corporations se fussent multipliées de 1500 à 1600, elles n’avaient