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chercher leur vie à travers champs : 4 bœufs par charrue en Languedoc, 4 moutons par florin d’impôt en Provence. Quelquefois ce n’est qu’à proportion de son bien personnel que l’on a part au bien commun. La vaine pâture est alors un mutualisme limité aux seuls propriétaires. Il est rare pourtant que les pauvres, quoique sans terre, n’entretiennent pas gratis une vache et quelques brebis.

Tantôt ce droit de vaine pâture est restreint à la commune ; on applique la règle du chacun chez soi en Bourgogne, Auvergne, Bourbonnais. Tantôt il comporte, entre communes voisines, une réciprocité assez étendue ; c’est le cas en Orléanais ou en Champagne. Mais partout, jusqu’à un temps très proche de nous, a subsisté cette idée que, si la culture des céréales exigeait la propriété individuelle, la jouissance collective du sol s’imposait pour la nourriture du bétail. L’agriculture contemporaine a fait justice de ce préjugé si bizarre, mais si puissant jadis qu’il était interdit de remettre en culture « une terre qui avait été une fois en nature de pré » ; le seigneur du lieu n’ayant pas plus de privilège à cet égard que le dernier des habitans. En effet, avec le système en vigueur, un propriétaire qui mettait sa prairie en labour frustrait toute la paroisse. Le labourage même ne doit pas se renouveler tous les ans : une culture intensive ne laisserait pas à l’herbe le temps de pousser dans les guérets entre les moissons d’été et les semailles d’automne.

Nécessaire pour assurer un supplément de subsistances, par un meilleur usage des biens-fonds, la révolution qui s’est opérée à cet égard dans les temps modernes constitua un incontestable progrès. Mais on doit remarquer qu’avec la propriété flottante et relâchée du moyen âge le non-possédant était chez lui à peu près partout ; tandis que, resserré ensuite entre des domaines jalousement exploités, celui qui n’eut pas quelque lopin en propre ne fut plus chez lui à peu près nulle part.


V

Quelle a été l’influence des corporations sur le salaire des ouvriers de métier ? C’est là une question qui se pose naturellement dans cette étude et dont l’intérêt nous semble d’autant plus vif que beaucoup de gens paraissent las, à l’heure actuelle, de la liberté du travail, telle qu’elle existe depuis cent ans, et recommandent la restauration, sous des noms modernisés, des pratiques socialistes de nos pères. L’histoire des corporations anciennes est faite. M. Levasseur, dans le livre magistral qu’il a consacré aux Classes ouvrières avant 1780, a épuisé le sujet. Mais